Peter Gee, plus connu pour son rôle de bassiste au sein de Pendragon, revient en cette année 2018 avec son septième album. Si le précédent, "Paris" (2013), avait constitué une exception dans la discographie du musicien avec son côté carte postale, Peter Gee renoue avec ses thèmes de prédilection dans cette nouvelle production : après "Heart of David" (1993), "A Vision of Angels" (1997), "The Spiritual World" (2008), "The Life of God in the Soul of Man" (2009) et "East of Eden" (2011), voici venir "The Bible", un concept album qui a l'ambition de couvrir en un peu moins de 70 minutes l'Ancien et le Nouveau Testament. Vous l'aurez compris, Peter Gee est féru de spiritualité et recourt d'ailleurs entre autres collaborations aux services de Josh Brown, chanteur du groupe de rock chrétien Day of Fire.
Globalement, l'album a tout pour satisfaire l'amateur de concepts albums prog : les thèmes sont mélodieux et agréables à l'oreille, l'alternance entre passages chantés et instrumentaux apporte de la variété, de même que l'utilisation de voix tantôt masculines, tantôt féminines, même si celles-ci sont un peu sous-utilisées. Dommage car les trois titres sur lesquels les voix féminines, aériennes, élégiaques, angéliques, vocalisent de fort belle manière font partie des meilleurs moments de l'album ('Adam And Eve', 'The Gospel' et 'Revelation', même si ce dernier ressemble un peu trop à un certain 'A Great Gig in the Sky' pour être tout à fait honnête). Enfin l'intervention de quelques instruments exogènes, le violon ('Jacob's Ladder', 'Called In The Night', 'The Road To Damascus'), la trompette ('King Of Israel',), ajoute de nouvelles couleurs à la musique.
Malheureusement de gros défauts viennent gâcher le plaisir. Tout d'abord, les titres sont bien trop courts qui, n'étant pas enchaînés les uns aux autres, donnent une impression décousue. Pire, les nombreuses fins en fading out confinent à l'inachevé, voire au sabordage, certains morceaux méritant bien mieux que ces troncatures sauvages. Comment justifier le solo de guitare avorté de 'Crossing The Sea' quand celle-ci semblait vouloir s'envoler vers les cieux ou l'abrupte conclusion importune du très mélancolique 'King Of Israel' ? Deux exemples parmi de nombreux autres, hélas !
Autre procédé peu heureux et usé jusqu'à la trame, le recours à une narration sur un bon tiers des titres, cassant encore le peu de dynamique que l'album pouvait avoir. Car l'interprétation manque souvent d'entrain et de charisme, peut-être à cause d'une production un peu plate et d'un manque d'ampleur dans la musique : les chœurs féminins sont sous-utilisés et sous-mixés, les nappes de claviers restent discrètes et la rythmique n'est guère mise en relief.
L'auditeur ressent une certaine frustration à l'écoute de "The Bible", la qualité des thèmes mélodiques étant trop souvent gâchée par les narrations rasoir ou les fins sabotées. Le prix du mauvais goût revenant au final de l'album qui cumule fading out et narration, ou comment massacrer sa sortie. Les défauts l'emportent malheureusement sur les qualités, rendant l'écoute de "The Bible" dispensable.