La musique soul prend ses racines dans le rythm and blues et dans l'esprit gospel dont les fondations ont été bâties notamment par Ray Charles ou Sam Cooke. De nombreuses voix féminines ont emboité le pas et apporté leur sensibilité pour donner au style toutes ses lettres de noblesse avec les illustres Mavis Staple ('You Are Not Alone'), Oleta Adams, Carole King, Whitney Houston, Mariah Carey (si, si, à ses débuts), Amy Winehouse, Adèle... Comme de nombreux styles musicaux, la soul s'est densifiée à force de ramifications avec le jazz principalement, corolaire plus ou moins accentué. Tel est le credo qu'a choisi de développer SoeJoe.
Longtemps biberonnée à Aretha Franklin ou Sara Vaugh et après un premier EP au nom ne laissant aucun doute sur le fait que la Dame ne fait pas du metal ("Soul Sista" - 2016), l'artiste confirme avec "The Other Shore" sa volonté d'explorer son art au maximum. Quatre titres seulement accompagnent l'auditeur dans son univers que l'on peut qualifier de rétro et patiné sans pour autant être passéiste. La soul de SoeJoe est composée et interprétée de façon très classique, très entraînante dès l'introductif 'Give Me Another Day' avec un rythme très gospel que n'aurait pas renié le grand Steevie, avec son orgue et ses cuivres qui forgent ces trois minutes au compteur. Ainsi, l'artiste revient aux fondamentaux avec dépouillement et sincérité. Et c'est en s'abandonnant que sans coup férir ce choix s'avère payant tant ces courts titres transportent vers des atmosphères très années 60.
Cette ambiance se poursuit sur le titre plus sensuel suivant 'Snowflakes' où la voix de SoeJoe câline vos oreilles. "The Other Shore" devient alors comme une bulle dans laquelle s'enfermer pour se recueillir dans un moment cotonneux où le temps semble suspendu. 'For Nothing In The World' revient à un style où les couplets se font charmeurs et le refrain plus dynamique en tutoyant un peu la country. Ce voyage trop court se termine sur le titre éponyme qui finira par vous envelopper de sa douceur feutrée.
Ce qui frappe dans cet album c'est la grande maîtrise dont fait preuve Sojoe pour s'approprier toutes ses influences et imprimer sa patte, avec sa voix bien placée, jamais forcée et très naturelle, presque instinctive. Un poil un peu trop propre, le disque souffre peut-être de sa durée trop brève et aurait mérité un titre supplémentaire plus âpre un peu à la Rickie Lee Jones, un titre comme 'Rebel Rebel'.