Tout petit, vous adoriez déjà les contes de fées. Puis ado, vous êtes tombés accro à l'heroïc fantasy, une passion qui ne vous a d'ailleurs pas quittés, quel que soit votre âge aujourd'hui. Les cimetières vous ont toujours parus plus romantiques que sinistres, vous adorez "Les Noces Funèbres" de Tim Burton et votre attraction préférée à Disneyland est Phantom's Manor. Alors vous ne manquerez sous aucun prétexte le premier album de Human Song, "Blue Spaces".
Human Song est un groupe français dont le noyau dur est constitué de Jane Lake (chant et claviers) et Mathew Corner (basse). Si une batterie vient compléter l'instrumentarium, aucune guitare ne figure au programme, ce qui en soit est déjà fort original. Et de l'originalité, Human Song n'en manque pas. Ainsi leur précédent EP, "Live au Centre de la Terre", sorti en décembre dernier et dont trois titres sont repris sur cet album dans des versions alternatives ('West', 'Blue Spaces' et 'Faces on the Ground'), a été enregistré dans des conditions live… 70 mètres sous terre dans le gouffre de Poudrey (Doubs), ce lieu étonnant donnant une dimension encore plus dramatique à une musique qui ne manque déjà pas de dramaturgie.
Car le line-up étrange donne vie à une musique étrange, sombre, mélancolique et parfois inquiétante. Human Song joue souvent et avec succès du contraste qu'il crée entre la pesanteur d'une basse profonde et d'une batterie à la frappe volontairement lourde opposées à un chant aérien et gracile. 'No Fairy', 'Four Doors', 'L'Enfant Arbre', 'Blue Spaces', 'Les Etoiles' sont autant de titres empreints d'une douceur et d'une tristesse frôlant parfois le désespoir ('Les Etoiles' sonne comme un requiem) qui enserre le cœur de l'auditeur dans un délicieux étau de glace.
Mais rien de mièvre dans tout cela, Human Song ayant l'intelligence d'introduire suffisamment de surprises dans ses compositions pour ne pas faire sombrer son public dans une apathie béate. Déjà, le duo rythmique, s'il sait se faire discret pour laisser le chant s'exprimer librement, n'hésite pas à se rappeler régulièrement à notre bon souvenir par des crescendos judicieusement placés, dynamisant à bon escient des mélodies globalement douces. Par ailleurs, certains titres affichent leur différence comme le seul instrumental de l'album, 'Hunter's Procession', à la fois agressif et expérimental, le long (peut-être un peu trop) 'This is not a Song for War', funèbre au plus haut point, à mi-chemin entre doom à la Black Sabbath et folie morbide issue du 'Black Juju' d'Alice Cooper, ou ce piano solo qui termine l'album, courte fantaisie de conservatoire classique teintée d'une poésie légèrement nostalgique.
Enfin, impossible de ne pas parler du chant de Jane Lake, clé de voûte de "Blue Spaces". S'exprimant le plus souvent par de "simples" vocalises, celles-ci sont tour à tour éthérées et mélancoliques, empreintes d'une grande tristesse ou bien fantomatiques et irréelles. Quel que soit leur style, il est bien difficile de ne pas succomber à leur charme. Mais la voix sait aussi se faire dure et menaçante, comme sur 'The Amazon' où elle fait ressortir le caractère belliqueux du personnage, 'Blue Spaces' sur lequel les déclamations désabusées sont à la limite de la révolte, ou par le chant vindicatif à la fin de 'This is not a Song for War'.
C'est néanmoins une impression de mélancolie un peu surnaturelle qui reste ancrée à la fin de l'écoute de "Blue Spaces". Human Song ose sortir des sentiers battus et bien lui en prend. Laissez-vous envoûter par sa musique féerique et fantasmagorique, vous ne le regretterez pas.