Habillé de nuit, de taffetas crépusculaire et d'organza noirâtre, Marduk habite des lieux où l'angoisse et la peur règnent en maîtresses sadiques. Son œuvre nourrie de colère, soutenue par des thèmes dérangeants, édifie une atmosphère morbide et troublante. Mais loin des vomissures anticléricales basiques, la formation avide d'explorations déconstruit la musique, comme pour mieux laisser apercevoir une humanité déplorable.
Le voile se lève sur ce nouveau méfait au thème historique (la Seconde Guerre Mondiale et le IIIe Reich). La rondelle trace donc délicatement les contours de la face sombre de l'Histoire, de l'origine de la violence et délivre une peinture repoussante d'une époque violente. Un sentiment de dénuement plane sur "Viktoria", sensation renforcée par la musique directe, à la beauté sépulcrale dépouillée et à la durée courte.
Dès les premières secondes, Marduk plonge au plus profond du profond de l'horreur, puis arpentant ses bas-fonds confronte l'être à ses atrocités. A peine initié à cette nuit de l'âme, l'auditeur voit 'Werevolf' exploser dans ses ouïes avec une guitare épaisse et un chant acide, rappelant douloureusement les enfants sacrifiés à la cause des oppresseurs. La musique est d'emblée très sombre, compacte et sans fioriture, comme si seul importait une coulée opaque de puissance.
Après cette première piste compressée, écrasante, arrive la seconde étape gorgée de tourments et de peurs intestines ('June 44'). La batterie étouffante y souligne une ambiance d'apocalypse, alors que les riffs esquissent des mélodies désincarnées. Les instants étouffants s'enchaînent, érigent un mur opaque ('Equestrian Bloodlust') sur lequel résonne en boucle l'écho de nos peurs primales. 'Tiger I' laisse encore et toujours s'abattre sur nos crânes un marteau de fer forgé de plomb : crasse graisseuse des riffs et angoisse du chant aigrelet suintent abondamment. Enfin 'Silent Night' est une "petite musique de nuit", une onde vibratoire rafraîchissante, un relâchement de tension et d'horreur, qui laisse apercevoir une note de gris foncé au sein d'un noir d'encre.
"Viktoria" est une galette sur laquelle aucun compromis n'est de mise, une œuvre qui terrorise les auditeurs avec des titres poussés dans leurs ultimes retranchements. Sur fond d'apocalypse, la formation éructe des vibrations caverneuses qui s'insèrent dans les tripes et ravagent tout sur leur passage... Bref, une production étouffante, comme un miroir sonore des violences, ravages et exterminations passées et contemporaines.