Si, au même titre que les Fu Manchu, Kyuss et autres Spiritual Beggars, pour ne citer que quelques exemples, il a participé à l'essor du stoner dans la seconde moitié des années 90, Orange Goblin a cependant toujours occupé une place à part au sein de cette mouvance, peut-être parce qu'il est anglais et non pas américain ou suédois, ce qui lui assure une sorte de dureté groovy et huileuse à la fois. Bref, si le quatuor, comme ses partenaires de fumette, cite Black Sabbath parmi ses principales références, le fait qu'il a très tôt tété les mamelles cradingues de Motörhead explique qu'il a toujours sonné bien plus heavy et méchant que les autres.
Il le prouve encore avec "The Wolf Bites Back". Comme son titre le suggère, ce neuvième album marque le retour des Londoniens après quasiment quatre ans de diète discographique. Si, depuis "Thieving From House Of God" (2004), ils nous ont habitués à prendre de plus en plus de temps entre deux cuvées, les Rosbifs n'ont encore un pied ni dans la tombe ni dans la maison de retraite ! Car, osons l'affirmer d'emblée, ce cru 2018 dévoile un Orange Goblin plus hargneux et couillu que jamais. Plus inspiré également. Plus nuancé surtout.
En l'espace de dix pistes, cet opus cavale à travers des paysages d'une grande diversité aussi bien sonore que textuelle, comme l'indique Ben Ward à son sujet, au point de rendre le groupe parfois (presque) méconnaissable. Ainsi, piochant dans des récits de zombies, de bikers, d'aliens ou de guerriers bouddhistes (?), "The Wolf Bites Back" arbore une multitude de visages. Il y a celui que l'on connaît bien, lourd et graisseux, alimenté par les 'Sons Of Salem', 'Burn The Ships', 'Renegade' ou ce 'Suicide Division' aux allures d'éjaculation précoce.
Mais on découvre aussi, aux côtés de ses saillies explosives, un rock qui n'a finalement de stoner que le nom, qui sent certes toujours sous les bras mais qui fait montre d'une finesse étonnante. De fait, éternels fils de la bande à Tony Iommi, les Anglais chassent cette fois-ci davantage sur les terres de "Sabbath Bloody Sabbath" que de "Master Of Reality". Qu'ils mentionnent Can ou Captain Beyond parmi les influences de cette nouvelle rondelle ne surprend pas, tant celle-ci quitte par moments la route velue habituelle pour s'aventurer sur un chemin plus évolutif, presque psyché. Ce qui aboutit au versant le plus réussi d'un disque qui conjugue la lourdeur plombée à des atmosphères sombrement hypnotiques.
Le morceau éponyme, qui imprime un tempo implacable, 'Swords Of Fire' dont la construction étrange et quasi instrumentale le conduit dans un no man's land, 'Ghosts Of The Primitives', bitumeux et galvanisant tout ensemble ou le bluesy 'The Stranger' que nimbent des claviers duveteux jalonnent un menu d'une belle richesse. Ce tour du propriétaire ne serait pas complet si nous n'évoquions pas le terminal 'Zeitgeist', piste toute en émotion et progression où le guitariste Joe Hoare brille de mille feux, décochant des lignes belles à pleurer que soulignent des nappes brumeuses.
Et si Orange Goblin ne venait tout simplement pas d'accoucher de son meilleur album ? Il est permis de le penser à l'écoute de ce "Wolf Bites Back" quasi progressif dans l'âme.