Mettons de suite les choses au point. Gus G n’a jamais vraiment atteint le nirvana musical auquel un guitariste de sa trempe aurait pu prétendre. D’une part parce qu’avec son groupe Firewind, il évolue dans un style metal mélodique ultra balisé et sans grande originalité, et d’autre part parce que ses albums solos lorgnaient jusqu’à présent vers un heavy rock US trop calibré pour réellement satisfaire les auditeurs en recherche de nouvelles sensations. Reconnaissons cependant à Kostas Karamitroudis son opiniâtreté et sa constance. "Fearless" sort ainsi à peine un an après "Immortals" de Firewind et trois ans après un "Brand New Revolution" plutôt frustrant.
L’écoute de "Fearless" rassure sur un point. Gus G reste un virtuose du manche, un guitariste extrêmement doué capable de donner le grand frisson aux amateurs de solos ébouriffants. A ce titre les deux morceaux les plus réussis de l’album sont sans conteste les instrumentaux. ‘Fearless’ tout d’abord, composé dans un style néoclassique rappelant le Yngwie Malmsteen de la grande époque, et ‘Thrill Of The Chase’ ensuite dont les guitares harmonisées si chères à Iron Maiden subliment le jeu shred inspiré et limpide de Gus. Le Grec démontre ici toute l’étendue de son talent et nous permet de rêver à ce qui pourrait être à l’avenir une réelle prise de risque de sa part : un album entièrement instrumental.
Pour le reste, si "Fearless" est un album heavy mélodique plutôt classique, il diffère de "Brand New Revolution" sur plusieurs points. Gus G est ici entouré d’un groupe solide formé du batteur d’Evanescence Will Hunt et du bassiste Dennis Ward (Pink Cream 69, Unisonic) dont le chant rappelle étrangement Jeff Scott Soto. Cette formation en power trio confère aux morceaux la cohésion qui manquait aux précédents efforts de l’Hellène flamboyant. D’autre part, même s’il est tout aussi inégal, "Fearless" est un album bien plus éclectique que son prédécesseur. Bien sûr le heavy metal domine les ébats guitaristiques pour le meilleur (‘Letting Go’, ‘Don’t Tread On Me’) et le beaucoup moins bon (les très convenus ‘Mr Manson’ et ‘Nothing To Say’). Mais Gus G sait aussi surprendre avec le très réussi ‘Chances’, titre neo-metal étonnant et ‘Big City’ aux relents hard blues très vintage. Mais si ces deux titres apportent un peu de fraîcheur et de nouveauté à l’album, ce n’est malheureusement pas le cas de la reprise lourdingue de ‘Money For Nothing’ de Dire Straits qui tient presque du fiasco tant elle échoue à faire entrer l’éléphant Gus G dans le magasin de porcelaine de Mark Knopfler.
Malgré tout, "Fearless" est agréable à écouter, très bien produit, très bien joué mais encore un peu frustrant par ses nombreuses concessions faites aux standards heavy formatés. Pourtant certains titres notamment instrumentaux indiquent que l’évolution de la musique de Gus G est en marche vers plus de nouveauté. Tant mieux car le potentiel du guitariste est énorme.