Malgré la poignée d'albums qui l'a précédé, on peut affirmer que "Roux-Ga-Roux" a permis à DeWolff d'accéder à l'étage du dessus aussi bien en termes de réussite que de succès. De fait, nombreux sont ceux à l'avoir découvert avec cette rondelle rafraîchissante gorgée d'un feeling humide et vintage. Alors qu'ils ne sont encore que de jeunes adultes, les Bataves étonnent agréablement par l’insolente classe dont ils font preuve et pour leur amour d'une musique anachronique, celles de leurs parents. Chemises à fleurs, pattes d'eph, combi Westfalia, pipe à eau sont convoqués par ce rock plus psyché que stoner car moelleux et très peu velu. Cream, Deep Purple ou Led Zep trouvent davantage grâce à leurs yeux que Black Sabbath.
Propulsé parmi les combos les plus excitants de ce revival sixties et seventies, le trio n'avait pas le droit de décevoir avec "Thrust". Dont acte. En utilisant les mêmes ingrédients, à savoir un chant sucré et sexy, une guitare racée, une batterie qui groove et surtout un orgue qui fleurit de toutes parts, DeWolff a encore gagné en maturité, aboutissant à un résultat plus jubilatoire encore. Si l'écoute est lancée par un 'Big Talk' musclé et nerveux, qu'enrobent cependant des effluves veloutés, l'album trempe tout du long dans des sonorités tendres et pleines de généreuses rondeurs, témoin ce 'California Burning' aux accents purpleliens période Mark III.
Bien que ses traits se fassent plus (un peu plus) appuyés sur le puissant 'Deceit & Woo' sur lequel plane l'ombre du Dirigeable et alors que les 'Double Crossing Man' ou ‘Tombstone Child' ne manquent pas de vitalité, les Hollandais apposent toujours leur cachet coloré et sensible grâce à ces chœurs féminins gospel ('Swain') et cette manière qui n'appartient qu'à eux de tendre un pont entre un hard rock britannique antédiluvien et la terre bluesy et soul du nouveau continent.
Plus le disque avance et plus ces racines noires affleurent à la surface de chansons ouatées telles que 'Sometimes' ou 'Outta Step & III At Ease' qui voient Pablo roucouler pendant que ces deux compagnons plantent le décor d'une Amérique de bastringue. Comme il a déjà eu maintes occasions de le démontrer, DeWollf n'a pas son pareil pour faire parler l'émotion en s'illustrant dans un registre doux. 'Once In A Blue Moon' et 'Freeway Flight' sont ainsi deux lentes respirations dont le format étiré leur confère une énergie progressive aux allures de feu d'artifice émotionnel.
Avec "Thrust", les Bataves atteignent le nirvana, synthétisant toutes leurs influences sous la forme d'un ensemble onctueux et caressant.