La chapelle doom et black du Plat Pays connaît depuis quelques années une belle effervescence. Cult Of Erynies, Lethvm, Odd Wvrms, pour n'en citer qu'une petite poignée, participent à l'érection d'un tertre sévère et exigeant, enraciné dans un humus froid propice à la mélancolie. Animé par des musiciens particulièrement actifs au sein de cette scène, Monads en fait partie.
L'offrande qu'il livre aujourd'hui devrait même très vite inscrire son patronyme dans le marbre parmi les flagellants les plus talentueux. Le groupe ne nous est toutefois pas inconnu, déjà repéré il y a six ans par une démo baptisée "Intellectus Ludicat Veritatem", prometteuse mais restée sans lendemain. En réalité, les Belges ont étalé l'accouchement de "IVIIV" sur une longue période. Enregistrée en juillet 2015 sous la houlette de Déhà, la musique a été enrichie de pistes vocales en janvier 2016. Le tout n'a finalement vu la nuit qu'en décembre 2017 par l'entremise du label culte Aesthetic Death.
Derrière ce nom mystérieux se cache un bloc taillé dans le funeral doom death le plus pur. Le plus beau surtout, vibrant d'une émotion douloureuse sécrétée dans ces guitares charbonneuses et ces vocalises caverneuses étranglées par le plus absolu désespoir. L'addition d'artistes chevronnés aux différentes étapes de conception, auxquels on peut rajouter Greg Chandler (Esoteric), toujours prêt à donner un coup de main, garantit autant une habileté naturelle qui ne saurait être contestée qu'une sincérité indispensable à tout grand disque de doom. Car et au risque de se répéter, le genre est avant tout une question de foi, de ressenti, qui s'apprécie à l'aune de la tristesse qui enserre (ou non) le pèlerin qui l'écoute.
Il faut avoir souffert pour goûter toute la puissance émotionnelle qui palpite dans la panse d'une œuvre comme celle-ci. De fait, comment alors ne pas être touché au plus profond de sa chair et de son âme par le terminal 'The Despair Of A Aeon' qui étire un inexorable quart d'heure de souffrance et de regrets, même si une fragile lumière nimbe cette partition engourdie sans pour autant en altérer la noirceur minérale.
"IVIIV" s'arc-boute autour de quatre pistes d'une durée conséquente, ce qui permet à ses auteurs de prendre leur temps pour graver dans les arcanes de cette crypte obscure une fresque aussi lancinante que reptilienne. Il en résulte des compositions aux allures de labyrinthe qui, loin d'être immobiles, épousent un tracé accidenté, fait d'accélérations ('Leviathan As My Lament') ou d'instants squelettiques suspendus au-dessus d'un puits sans fond ('Your Wounds Were My Temple'). 'To The Bloodstained Shore' synthétise admirablement cet art douloureux dont le caractère pétrifié ne l'empêche pas de progresser au gré de multiples reliefs tour à tour abyssaux ou déchirants de beauté jusqu'à cette longue conclusion toute en arpèges osseux.
Avec ce premier opus, Monads nous convie à une véritable leçon de doom, funèbre et caverneux, vibrant d'une force souterraine.