Au rythme d'un album tous les ans (ou presque) qui se répondent en formant une litanie âpre et hiératique, Wiegedood érige peu à peu une œuvre sévère aux allures de blockhaus d'une admirable cohérence et d'une pureté qui l'est tout autant. En 2015, "De Doden Hebben Het Goed" a établi les fondations de cet édifice crépusculaire, basées sur de longues pistes au nombre de quatre, aussi survoltées que torrentueuses.
Depuis, le trio n'a de cesse de pétrir et de marteler ce black metal d'une froideur minérale sans jamais chercher à s'échapper de ce cadre qui, loin d'être un carcan, dresse les remparts d'une forteresse conceptuelle, tant dans la forme que dans le fond. A chaque reprise, le groupe parvient à ne pas se répéter alors même qu'il s'impose un patron bien défini qu'il transcende avec puissance et beauté, comme l'illustre "De Doden Hebben Het Goed III", magistral de bout en bout.
Que ses auteurs soient issus de Amenra (Levy Seynaeve) ou de Oathbreaker (Wim Sreppoc et Gilles Demolder), eux-mêmes membres du collectif Church Of Ra, ne surprend pas, en ce sens que ces groupes partagent tous une sève furieuse et une expression abrupte identiques mises au service d'un art autoritaire dont la noirceur ne l'exonère pas d'une force atmosphérique. D'une implacable dureté, ce troisième segment a quelque chose d'un bloc de matière brute, tendu comme une hampe prête à exploser. 'Prowl', qui lance l'écoute, s'impose ainsi comme une des compositions les plus brutales enfantées par les Belges qui ouvrent les veines d'une brutalité glaciale, imprimant une cadence démentielle qui jamais ne faiblit jusqu'à un final comme suspendu au-dessus d'un cratère béant.
Mais de ce déchaînement de violence naît pourtant une beauté souterraine à l'image de 'Doodskalm' à l'intérieur duquel les musiciens galopent à travers une terre ravagée que perforent des instants de lumière pétrifiée, beaux comme un chat qui dort. Lancinante, la seconde partie atteint des sommets d'émotions, sculptés par ces lignes de guitares aussi envoûtantes que rocailleuses, contre lesquelles s''écrase un chant écorché que poisse un inexorable désespoir.
Lui succède la piste éponyme qui écoule sur plus de douze minutes son flot charbonneux que rien ne semble pouvoir briser. Wiegedood y abat un travail de sape millimétré en érigeant un mur aux dimensions cyclopéennes. Propulsées par une batterie rapide comme le lapin Duracell, les dernières mesures touchent au sublime, point G d'une écoute en même temps belle et douloureuse. A eux deux, ces morceaux constituent l'épicentre de ce tsunami aussi sauvage qu'émotionnel. L'opus s'achève ensuite comme il a démarré, avec un 'Parool' rageur, réceptacle d'un black metal tumultueux.
Enraciné dans la froide terre qui l'a vu naître, " De Doden Hebben Het Goed III" est une gemme noire qui tranche dans la peau et dans l'âme des stigmates qui ne sont pas prêts de se refermer.