Le voilà enfin ! Il aura fallu près de quatre ans pour que le fer de lance du néo-progressif hellène donne un successeur à leur sympathique troisième album, "Faded Leaves".
Pour ces groupes amateurs qui peuplent le petite monde atypique du rock progressif, la production d'un nouvel opus est parfois longue faute de moyens. Pour La Tulipe Noire, les soucis financiers se sont accompagnés d'un problème beaucoup plus sérieux, une attaque cardiaque et une opération pour leur batteur, Nick Kassavetis. Heureusement l'homme s'en est bien sorti et c'est avec une rage de vivre nouvelle qu'il frappe sur ses fûts, et ça s'entend.
"Nostimon Hemar" ne devrait pas décevoir les fans de LTN tant la filiation est évidente. Mes premières écoutes faites dans des conditions non optimum m'ont laissé penser que nous avions là une gentille suite de "Faded Leaves", mais dès que j'ai pu donner à ce nouveau disque le volume sonore qu'il méritait, la vraie grandeur des compositions et du son s'est révélée. Les petites faiblesses de production font partie du passé, LTN assène à l'auditeur une musique puissante et riche.
Il n'y a pas de composition 'fleuve' sur cet album, mais 11 titres qui se partagent les 69 minutes de durée et je serais bien en peine de vous dire celui que je préfère. L'ensemble est cohérent et suit sans anicroche le concept inspiré de l'Odyssée et plus particulièrement d'une oeuvre poétique, "Ithaca", écrite vers 1930 par le poète grec Konstantinos Kavafis. Chaque morceau évoque un héros ou un événement de cette épopée : Polyphème, Circé, Tirésias, Scharybe et Scylla ou Ithaque.
Musicalement, LTN reste dans ce style néo-progressif un tantinet symphonique qui lui a valu d'être comparée au Marillion de "Script ..." et qui lui va si bien. La voix androgyne d'Ima continue à psalmodier les textes longs et continuera sans doute à gêner ses détracteurs (je ne peux, pour ma part, imaginer ce que serait le son de LTN sans cette voix si merveilleusement typée !). Toujours très riches en clavier, les compositions sont enjolivées d'interventions judicieuses dues au génie du guitariste Kostas Savvidas. Le tout est soutenu par une section rythmique qui n'a jamais été aussi puissante par le passé et donne vraiment une puissance nouvelle qui vous prend aux tripes.
Je n'ai pas pu mettre moins de 9 à ce que je considère comme une parfaite réussite de ce groupe si attachant. Ceux qui n'ont pas apprécié les deux albums précédents reverront peut-être leur jugement ou tourneront définitivement le dos à La Tulipe Noire puisque "Nostimon Hemar" est l'album du changement dans la continuité, ou vice-versa !