Si Talitha Rise était à ses débuts un duo constitué de la chanteuse et multi-instrumentaliste Jo Beth Young et du batteur Martyn Barker, il semble bien que la belle demoiselle se soit finalement accaparée pour elle seule ce pseudonyme, même si Martyn Barker figure encore en bonne place au milieu des quelques musiciens associés à la confection de ce premier album, "An Abandoned Orchid House", qui fait suite à un EP paru en 2017, "Blue".
"An Abandoned Orchid House" fait partie de ces albums inattendus qui vous cueillent un beau matin par la sensibilité et la délicatesse qu'ils dégagent. Tout vous semble alors beauté, harmonie et équilibre, et vous vous prenez même à rêver que le monde est enfin en paix. Cet état d'euphorie contemplative est provoqué par une musique douce et raffinée, riche d'une multitude de sonorités, de mélodies sophistiquées sans être complexes, délaissant fréquemment l’enchaînement couplet/refrain pour emprunter des chemins de traverses mais toujours limpides et fredonnables, et d'une voix au timbre délicieux, aérienne mais dont on sent la puissance contenue.
Talitha Rise ressemble à la réincarnation de la Kate Bush des origines, celle de "The Kick Inside" et "Lionheart", mélangeant fantaisie et charme dans des mélodies ciselées et nimbées de mélancolie. Un peu moins fantasque que son modèle, elle nous tisse un album délicat et poétique, mélange de folk et de world music mangé à la sauce art rock. Chaque titre est une nouvelle découverte, rendant le disque très varié même si l'ensemble garde une unité de ton évitant l'effet patchwork parfois ressenti devant des opus trop éclectiques.
C'est même le seul (léger) reproche qu'on pourrait lui adresser. Talitha Rise reste fidèle à un style mélancolique très doux, ne laissant qu'à de trop rares moments exploser une énergie qu'elle possède pourtant à l'évidence ('Incantation' ou 'The Lake' auxquels l'intervention d'une batterie musclée donne un coup de fouet) et qui pourrait se manifester un peu plus souvent pour électriser l'auditeur.
Hormis cela et dans un album sans maillon faible, citons quand même 'Orchid House', qui ouvre magnifiquement le bal avec ses soundscapes à base de violon, de claviers et de percussions, 'Incantation' pour les merveilleuses modulations du chant, le mélancolique 'Bloodfox' aux nombreuses digressions, la sensibilité d'un 'River' une nouvelle fois magnifié par le chant ou la magie d'un 'Lifeboat' gorgé de feeling. Une liste non limitative tant chaque titre porte en lui son lot de beauté et de surprise.
"An Abandoned Orchid House" est un album où tout est sensibilité, charme et harmonie et Talitha Rise une grande interprète tour à tour sensuelle, mystérieuse, éthérée et envoûtante.