Plus de vingt ans à envoyer du bois sans faire de bruit, à passer très loin des radars de la presse spécialisée, à rester fidèle à une musique largement confidentielle qui n’attire pas les foules mais qui forge une personnalité, celle d’un groupe qui a juste eu la malchance de se former du mauvais côté de l’Atlantique. Beaucoup auraient jeté l’éponge. Dysfunctional By Choice, Dysby pour les plus intimes, a seulement fait une pause. La passion de la musique est toujours plus forte. En décidant de donner une suite à "Travelling In Travel", paru il y a dix ans, le groupe parisien revient par surprise sur le devant de la scène underground française, avec un nouveau chanteur (Clément Masson, ex-Sna-Fu) et un album à fleur de peau dont la durée parfaite d’à peine trente minutes permet d’apprécier à sa juste valeur toute la densité de la musique de Dysfunctional By Choice.
Mais de quelle musique s’agit-il ? Bien malin qui pourra définir le style de Dysby tant le groupe se joue des étiquettes et des codes. Ranger "Atomic Clock" dans une catégorie bien précise est un défi que l’étiquette rock/metal alternatif relève mollement et sans panache. Car tout l’art du combo francilien est de faire voler en éclat les carcans et les codes dérivés du hardcore pour ne garder que les fondamentaux inhérents au genre et les utiliser pour façonner un style personnel et très attachant pour peu que l’auditeur prenne la peine de se confronter à son univers.
Riffs de guitares saturées, chant hurlé viscéral, lignes de basse organiques et pattern de batterie hypnotique, le titre ‘Saturn’ au parfum post-hardcore hérité de Refused prend à la gorge dès l’entame d’ "Atomic Clock". Mais bien vite Dysby brouille les pistes et arpente d’autres univers, laissant subtilement vagabonder le post-hardcore fondateur vers d’autres horizons musicaux : le shoegaze (‘Invisible & Free’, ‘Night Of Iron / Night Of Blood’), le noise rock (‘SSM 6’), l’ambient (‘Our First Embrace’, ‘Our Last Embrace’), le post-punk (‘A Decade In The Night’) et l’indus (‘Atomic Clock’).
Si ce mélange savamment dosé d’ambiances et de structures fait toute la richesse de l’album, il s’avère également un mréel tour de force car à aucun moment Dysby ne perd l’auditeur en route. Il le surprend, le malmène, l’oblige à la plus grande concentration, mais ne perd jamais la cohérence de son propos musical. Si bien qu' "Atomic Clock" semble en constante évolution, invitant l’auditeur à réécouter les différents chapitres de l’album pour être sûr d’en avoir saisi le sens.
Avec cet opus fiévreux et sans concession, Dysfunctional By Choice s’impose et en impose. Le groupe parisien brise les codes, envoie valser les étiquettes musicales et nous livre un des albums les plus surprenants et inattendus de l’année. Il est urgent de (re)découvrir ce groupe attachant et iconoclaste qui a foi en la musique, en sa musique.