Avec "The Wayward Son", Seyminhol avait laissé Music Waves sur sa faim. L'opus était certes intéressant, bien joué et plein de hargne, mais il manquait de surprises et de prises de risque. A peine trois années après, la formation remet le couvert avec un album encore inspiré de la tragédie shakespearienne, qui met en lumière la figure féminine d'Ophélie, comme le pendant lumineux, fragile et troublant de l'œuvre précédente.
Toutefois bien que le style soit dans la prolongation de l'opus précédent (riffs élaborés, voix grave puissante, batterie sautillante jouant à cache-cache avec la basse mélodique), cette nouvelle rondelle plus concise et dense est sans aucun doute basée sur l’immédiateté d'un propos métallique compact.
Une introduction acoustique nous invite doucement à entrer dans l'opus ('Intro: Appetite'), alors que les voix entonnent un duo où la force masculine se confond avec la tendresse et la sensualité féminine. Puis 'Act II, scene 2 : My Soul’s Idol' déploie un progressif plus classique, saupoudré de claviers grandiloquents et de riffs aiguisés, mais déjà les ambiances s'empilent et tissent une toile de fond épaisse et noirâtre. Quant à 'Interlude : Nymph', il reprend les mélodies de l'introduction, alors qu'une guitare dépouillée nappe la piste d'une douceur gracieuse.
'Act III, scene 1 : Hidden Desire' s'enlise dans plus de noirceur par une mise en place quasi-thrash, avec des riffs teigneux. Nous voguerons ensuite sur une mer calme et apaisée, guidés par une belle rythmique et une voix lumineuse ('Act III, scene 2 : Behind the Mask'), puis la tempête se lèvera, la colère grondera lorsque cette étape se transforme en variation technique éclairée par une six-cordes solitaire aux traits rapides et aux sweepings impeccables.
Mais le groupe, jamais avare d'émotions, reproduit ses alternances entre douceur et colère ('Act IV, scene V : Her Majesty of Flowers'), comme lorsque les lamentations de piano et les guitares grasses se complètent à merveille alors que les chœurs féminins emplissent l'espace musical. Le point d'orgue est atteint avec 'Part 2 : Crown of Thorns' qui fait figure d'OVNI, en naviguant entre Faith No More et Trans-Siberian Orchestra avec des accents jazzy, puis une lourdeur est assénée avec force comme chez les doux-dingues de Farmakon.
L'ultime morceau, 'Outro : the River Lamentations', conclut la galette avec tendresse, comme pour colorer cette musique sombre d'une ultime touche d'espoir et de de féminité, comme les visages d'Ophélie qui nous contemplent depuis l’au-delà avec un sourire radieux.
"Ohealian Fields" est une rondelle passionnante et envoûtante qui passe comme une lettre à la poste. Le groupe au meilleur de sa forme s'y concentre sur un progressif efficace et multiple, souvent technique et terrien ou nettement plus aérien (arpèges divins et voix à tomber). Le combo délaisse ainsi les cavalcades speed pour des tempos mesurés ponctués d'interventions de guitare grandioses à la limite du shred. En somme et en hommage à notre Childeric Thor national, un joli jet... Seyminhol.