Ultraphonix est l’histoire de la rencontre du boulimique et du discret. En trente-cinq ans de carrière, le boulimique George Lynch ne s’est jamais arrêté de jouer. Sept albums avec Dokken, douze avec Lynch Mob, dix en solo ponctués de nombreuses collaborations, le guitariste affiche un CV impressionnant, tout autant que son jeu unique et fluide et son amour immodéré de l’improvisation. Le discret Corey Glover à la magnifique voix chaude et soul restera, quant à lui, à jamais le fondateur avec Vernon Reid de Living Colour. Même avec une discographie assez inégale, le groupe fut le fer de lance du funk metal du début des années quatre-vingt-dix et demeure surtout le premier groupe metal composé entièrement d’afro-américains. Autant dire que l’association de ces deux pointures a de quoi faire saliver plus d’un amateur de sensations musicales fortes.
Et force est de constater que les musiciens se sont fait plaisir à composer et enregistrer "Original Human Music". Ce premier album, bien qu’un peu foutraque, réussit à conjuguer les univers musicaux des deux leaders charismatiques. Certes Corey Glover tire parfois la couverture à lui en amenant certains titres sur les terres brûlantes du funk metal de Living Colour (‘Counter Culture’, ‘Take A Stand’, ‘What You Say’). Mais George Lynch bénéficie de beaux espaces de liberté pour développer ses riffs heavy (l’excellent ‘Baptism’), ses solos percutants (‘Walk Run Crawl’) et son goût pour les ballades inspirées (le magnifique arpège de ‘Heart Full Of Rain’).
C’est pourtant bien lorsque les univers musicaux de Lynch et Glover fusionnent que l’album livre ses plus belles pépites, en explorant les terres d’un psychédélisme décalé fort réjouissant, comme les titres ‘Free’ invoquant subtilement Led Zeppelin et ‘Power Trip’ qui ravira tous les amateurs du ‘21st Century Schizoid Man’ de King Crimson.
Mais quel que soit la couleur musicale des titres qui composent l’opus, Ultraphonix n’oublie jamais le groove. Celui-ci domine l’album grâce à une section rythmique particulièrement inspirée menée par la frappe précise du batteur Chris Moore et l’exceptionnel jeu de basse funky de Pancho Tomaselli, véritable révélation de l’album. Le talent de ce duo détonant trouve son point d’orgue avec le fabuleux ‘Soul Control’, magnifique fusion de jazz rock, de funk et de soul.
Hélas, l’éclectisme a souvent ses limites. Et Ultraphonix n’évite pas le piège du morceau en trop. A peine sauvé par un bon travail sur les guitares, le titre ‘Another Day’ est ainsi une faute de goût presque incompréhensible. Une mièvrerie FM sans âme au refrain téléphoné, totalement anachronique et particulièrement mal placée dans la tracklist de l’album.
Dommage car "Original Human Music" aurait pu être un sans-faute. Fun et groovy, il reste cependant un excellent album de fusion grâce au plaisir d’écoute qu’il provoque et au talent des musiciens qui se sont manifestement bien amusés à l’enregistrer. Souhaitons que ce nouveau super-groupe Ultraphonix ait une carrière moins éphémère que beaucoup d’autres. Le succès de l’album en décidera sans doute. Vous savez donc ce qu’il faut faire !