"La blague qui tue" avait menacé l'empire anglais au début des années 80. Un album éponyme traçait les grandes lignes d’un plan de bataille à venir. Mais après son deuxième album, l'issue du combat tournait en défaveur du groupe qui rendait une copie brouillonne. Pour reprendre leur destinée en main, nos quatre farceurs décident d'émigrer en Allemagne, plaçant leur destin entre les mains du producteur Konrad Plank (Kraftwerk, Neu, Devo). Intitulé "Revelations", ce troisième opus a-t-il trouvé la bonne formule ?
Le saut qualitatif entre "What's This For" et "Revelations" se révèle vertigineux. Notre nouveau voyage nous fait pénétrer directement au plus profond d'un volcan en éruption, Killing Joke taillant sa musique au plus profond d'un magma sonore. La nouvelle formule privilégie les explosions spontanées, les mélodies semblent déroutantes, les rythmiques syncopées. Les riffs aériens de guitare de Geordie Walker sont toujours aussi tranchants mais plus stridents que jamais ('The Hum', 'The Pandys Are Coming'). Pour obtenir ce son, Geordie Walker accorde sa guitare un ton en-dessous de ses collègues, une botte secrète qui sera une des cartes de visite du groupe. La section rythmique est explosive, Paul Robinson pourrait avoir des problèmes avec la Société Protectrice des Batteries tant sa force de frappe est sèche, tribale et sans concession. La basse de Youth semble se dédoubler à vue d'œil ('Chop-Chop', 'Chapter III'). Le chant de Jaz Coleman est moins vindicatif que d'ordinaire, sa palette vocale est beaucoup plus étendue, se faisant douce, mielleuse ('The Hum', 'Chop-Chop'), monstrueuse (légèrement déformée par l'écho sur 'Empire Song') mais toujours aussi schizophrène ('We Have Joy' où elle growle entre deux lugubres ricanements).
Parmi ces blocs, le dynamique 'Empire Song' ressemble au galop d'animaux aussi mythologiques qu'effrayants, l'ironique 'We Have Joy' nous fait suivre la piste d'une colonie de fourmis vers une charogne (sans laisser l'auditeur souffler malgré un bref passage apaisant avec des cloches). Quelques curiosités sont à noter, le groupe se livre à quelques expériences chimiques explosives : le rock’n’roll sismique de 'Land Of Milk And Honey', les sonorités orientales couplées à des rumeurs d'alertes nucléaires et de râles sur 'The Pandys Are Coming', la ballade minimaliste 'Good Samaritan' avec ses arpèges de guitare dans les ténèbres.
Au travers des paroles, Jaz Coleman et les siens cherchent à réveiller les consciences endormies (´Empire Song´, ´We Have Joy´). La portée ésotérique de l'album (´The Pandys Are Coming´ aux paroles très inspirées par la "Table d´Emeraude", les détails du livret) rejoint une critique politique et sociale contre ceux qui dans leur tour d’ivoire ne daignent porter un quelconque intérêt au peuple (´Chapter III', 'Land Of Milk And Honey' très critique envers l'industrie du disque). Certes, on pourrait formuler en guise de bémol qu'aucune chanson ne se distingue vraiment de sa matière organique et le choix des singles s'avère hasardeux, 'Empire Song' et 'Chop-Chop' n'ayant aucunement l'envergure d'un 'Requiem'.
"Revelations" est la bande originale d'une éruption volcanique. L'auditeur doit accepter de se faire agresser les oreilles avant de trouver du charme à ce son violent et repoussant. Aucun morceau n'a le potentiel pour devenir un tube et tout l'album doit être écouté d'un bloc. L'imagination bouillante de Jaz Coleman n'était pas qu'un apparat de starlette. Convaincu que la fin du monde était proche, il fuit, épouvanté, en Islande, espérant survivre à l'holocauste nucléaire. Geordie Walker et Youth iront le rejoindre et à trois assembleront les pièces d'un nouveau groupe en compagnie de la formation islandaise Þeyr : Niceland.