Je vous parle d´un temps que les plus de trente ans ne veulent pas connaître. A la fin des années 90, l´Amérique était secouée par une nouvelle lame de fond : le punk-rock. En ce temps-là, deux accords et trois tirades sur la dure vie des jeunes et l´affaire courait. Si certains ont sombré après leurs errances pas toujours matures (Sum 41), d´autres ont survécu en se détournant de leurs origines. C´est le cas de Green Day ou de Good Charlotte. Ce dernier avait reçu les suffrages de la planète avec son second album "The Young And The Hopeless" porté par son non moins interplanétaire tube 'Lifestyles Of The Rich And Famous' et des apparitions MTV avaient donné un visage aux frères Joel (chant) et Benji (guitare) Madden. Le groupe avait timidement esquissé un pas de danse lorgnant vers un rock plus cérébral et plus sombre mais sans véritablement convaincre les fans acharnés.
Avec sa pochette inquiétante et plutôt surprenante, Good Charlotte semble nous dire qu'il est bien parti pour un nouveau tour. L´auditeur est pris de surprise en pénétrant dans l´antichambre de ce "Generation RX". Comme à son habitude, Good Charlotte soigne son ouverture avec une mélodie pesante et une mélopée, inspirées en cela par le travail de Danny Elfman (on pourrait rappeler que Tim Burton a signé le clip de 'Predictable'). Mais pourtant, la joie de l´apesanteur se brise soudainement et l´auditeur est jeté de force dans un monde violent, malsain et totalement inconnu. 'Self Help' montre tout de suite le potentiel surprenant du groupe : les guitares se colorent de metal et stupeur, Joel, dont la voix était la seule balise repérable dans cet océan de souffre, se permet quelques hurlements aussi jouissifs que ténébreux. Le cauchemar s´effile sur ´Shadow Boxer´, l´atmosphère est étouffante, les paroles sont noires, Good Charlotte semble avoir accouché d´une bête innommable, se livrant à des compositions torturées, n´hésitant pas à muscler leur rock.
"Generation RX" peut s´écouter comme un concept-album où chacune des chansons ne peut être extraite de son enveloppe d´origine. Le concept s´articule autour du pole attraction/répulsion sur les opioïdes et notre manière de percevoir les drogues (nos meilleurs démons d´après le titre d´une chanson). Bien entendu, l´arrière-plan n´est pas nécessaire pour apprécier l´album mais nous aide à mieux comprendre cette nécessité d´éclairer notre part des ténèbres. Le deuil semble bien se vendre de nos jours, mais il serait indécent d´accuser Good Charlotte d'opportunisme commercial : leur martyre à eux c´est Lil Peep, qui a succombé à une overdose de Xanax.
Sur une durée réduite (une trentaine de minutes au compteur), Good Charlotte nous ouvre la porte d´une caverne sombre dans laquelle toutes les émotions sont mises à nu, les guitares sont lourdes, le chant actif et possédé, mais qui parvient également à nous faire retrouver une sérénité intérieure. Connu pour son passé punk-rock, Good Charlotte nous prouve avec son "Generation RX" qu´il n´est pas qu´un petit groupe pour nostalgiques, mais qu´il est capable d´évoluer loin de son sillage en remportant son combat contre l´industrie qui aurait voulu en faire un clone de lui-même, avec un concept fort, une musique cérébrale et mature. C´est bien la marque des grands groupes, n´est-ce pas?