Après avoir proclamé l´imminence de l´Apocalypse, Jaz Coleman est parti se réfugier en Islande où il sera rejoint par ses camarades. Alors que la fin du monde tarde à se manifester, le chanteur-prophète affirme que celle-ci s´est déroulée sous leurs yeux sans que personne ne s´en aperçoive. Il est donc du devoir de Killing Joke de reprendre ses activités musicales afin de révéler l´évènement ignoré par les foules. Agacé par les théories eschatologiques (et quelque peu fumeuses) de son collègue, le bassiste Youth jette l´éponge. A sa place, le trio recrute un drôle d´oiseau au nom prédestiné : Paul Raven.
La séance d´exorcisme post-apocalyptique se poursuit avec le son tribal écorché qui caractérise le groupe. Le rythme dérangé et alarmant de 'Song And Dance', celui plus mécanique de 'Harlequin', les vrilles furieuses de 'The Gathering' ou encore les percussions stridentes de 'Dominator' montrent que le groupe a bien repris là où il s´était arrêté. La basse de Paul Raven est tout aussi lourde que celle de son prédécesseur
mais grâce à son jeu fretless, elle devient plus dansante (en particulier sur 'Dominator'). Paul Ferguson est le grand sorcier des fûts, avec une certaine dextérité pour se faire métronome de la lourdeur. La guitare aérienne rouillée de Geordie Walker laisse planer une menace anxiogène qui ne se manifeste pas toujours, identité sonore des Anglais. Le chant de Jaz Coleman se montre tout autant redoutable, utilisant des
voies de séduction qui s´apparentent au jeu du chat avec sa souris (voix
faussement candide sur 'Fun And Games', voire perversement douce sur
'Song And Dance', quelques aigus sur 'Frenzy') mais perd quelque peu son
aspect énervé et tellurique des précédents albums. La voix de Jaz est ainsi plus mélodieuse et claire, et elle n´a
cependant pas perdu son caractère aussi magnétique qu'inquiétant. Cette dimension séductrice de Killing Joke se retrouve également dans ses compositions comme sur ´Let´s All Go (To The Fire Dances)´.
''Fire Dances'' s´écoute d´un bloc et certains morceaux peuvent sembler quelque peu redondants, surtout en fin d´album ('Feast Of
Blaze', la fin en déshérence de 'Song And Dance' ou 'Lust Almighty' qui conclut l´album sur une note anecdotique). Sans être véritablement un concept, l´album s´articule autour de la notion de carnaval, ces jeux du Moyen-Âge où tout s´inverse, le bas devenant le haut etc. Les chansons qui composent cet album tournent autour de la folie du monde et de la mort de l´être humain devenu un vulgaire fétu de paille que l´on s´apprête à brûler (comme sur la pochette).
Avec son premier album post-apocalyptique, Killing Joke conserve ses sonorités d´agressions tribales mais commence à évoluer vers des sons plus mélodieux et accrocheurs. L´album sert de passerelle entre deux identités sonores du groupe, un post-punk énervé et ravageur et une new-wave plus facile d´accès mais toujours aussi redoutable. Le single de 'Let´s All Go' se classera à la 29ème place des charts anglais, annonçant de meilleures performances à venir.