Kataklysm est une sorte de laissé pour compte du death, alors qu'à ses débuts il suscitait de grands espoirs, déchaînant l'enfer pavé de vibrations malsaines ou invoquant sept plaies noires, putrides et sanglantes. Depuis en évolution perpétuelle, le combo livre avec une rigueur militaire des opus sombres qui distillent l'angoisse tout en naviguant sur les ondes mélodiques raffinées. Droits dans leurs bottes cloutées, les Canadiens tracent avec passion un sillon musical âpre duquel naît aujourd'hui "Meditations".
Ces méditations morbides débutent par des bidouillages sonores et une voix ténue, alors que les instruments expulsent une énergie puissante sur des partitions précises et racées. Ce 'Guillotine' tranchant comme un scalpel défriche tout sur son passage, puis éparpille ses miasmes au long d'instants captivants : voix caverneuse et grondante ou alternances de tempo bien senties qui prouvent que le groupe en a sous le pied. Mais ne peine-t-on pas à voir la personnalité et l'âme sombre du groupe sous ce déluge de décibels et de crasse moite ?
'Outsider' emprunte ensuite une direction parallèle à certains brûlots de Carcass : riffs rapides, tranchants et saccadés, batterie trépidante, tempo éreintant aussi rapide qu'un cheval au galop. La mise en place impeccable, la structure maîtrisée, la puissance et l'énergie du morceau donnent immédiatement envie de bondir et d'exprimer son dévouement aux divinités puissantes invoquées ici. Puis 'Marcissist' épouse des contours plus terreux, brumeux et lourds. Soutenue par un riff pétillant, l'envie jamais assouvie de sautiller nous reprend rapidement, mais subitement le ciel se voile ('In Limbic Resonance'), la Géhenne se fissure avec un blast dantesque ou des harmonies black et libère une multitude de cauchemars innommables issus des profondeurs. Puis le chant abandonnant sa caverne boueuse renoue avec la prime jeunesse du combo, lorsque tous les styles se chevauchaient en une masse informe.
Quant à 'An The I Saw Blood' et 'What Doesn't Break Don't Heal’, ils tracent un sillon épais et profond dans la terre grasse, terrassant nos pauvres oreilles par des rythmiques sauvagement appuyées. 'Bend The Arc, Cut The Cord', fier du marteau-pilon de sa double grosse caisse, puise de nouveau dans des racines black. La puissance est donc toujours omniprésente, même si le combo glisse ici et là quelques arpèges dépouillés qui survivent au sein de riffs ultra-saturés. Finalement 'Achilles Heel' veut peut-être apaiser la tempête, apportant une toute relative note d'humanité, en enrichissant son propos d'une mélodie simple, limpide et pure.
"Meditations" est une œuvre agréable, gorgée de potentiel et d'envie. Au milieu d'une cacophonie de vibrations et de douleurs, elle laisse entrevoir son esprit malin, raffiné et précieux errant dans des contrées ravagées... Malgré des qualités substantielles indéniables et un art consommé de la mise en place et des césures, il lui manque un je-ne-sais-quoi de personnalité, de folie ou de transgression pour crever le ciel et ainsi exploser au grand jour.