L’argent brise les liens, y compris les liens du sang. En 2015, après une énième dispute et une sordide histoire de droits, les frères Robinson annonçaient la séparation des Black Crowes. Ce n’était pas la première dispute mais il semble bien que ce fut la dernière. Après vingt-quatre ans de carrière, Rich le guitariste et Chris le chanteur mettaient un point final à l’aventure d’un groupe dont ils furent les fondateurs et qui fut le descendant le plus digne et le plus inspiré des Rolling Stones et de Led Zeppelin.
Mais pour Rich Robinson, pas question de se laisser abattre. Il enregistra son quatrième album solo, "Flux", et partit le défendre sur la route. En fin de tournée, entouré du batteur Joe Magistro et du chanteur John Hogg, Rich invita sur scène des anciens membres des Black Crowes : le guitariste Marc Ford, le bassiste Sven Pipien et le regretté claviériste Eddie Harsch pour qui l’enregistrement issu de ces prestations live fut malheureusement le dernier. C’est ainsi que naquit The Magpie Salute, à peine formé et déjà amputé d’un de ses membres. Mais Rich Robinson est du genre obstiné et surtout il a une foi inébranlable en sa musique. Les galères forgent le caractère et le guitariste n’en manque pas. Rien de tel que de composer des chansons pour conjurer le mauvais sort. Et composer est son métier depuis toujours. Ce n’est donc pas un mais deux albums qui signeront l’acte de naissance du groupe. Et le premier d’entre eux, "Highwater I", a pour ambition de s’inscrire dans la continuité musicale des Black Crowes.
Mais continuité peut parfois être synonyme de redite, voire de moins bien. C’est le cas pour "Highwater I" qui s’avère un album sans surprise. Bien sûr, tous les ingrédients qui composent la musique de Rich Robinson y sont réunis : hard blues (‘Mary The Gypsy’, ‘Send Me An Omen’), blues psychédélique (‘For The Wind’, ‘Take It All’, ‘Can You See’), folk (‘High Water’, ‘Color Blind’, ‘Walk On Water’). Mais l’ensemble manque de sueur et de tripe. Le guitariste ne s’autorise pas la moindre prise de risque mis à part le titre pop ‘Sister Moon’ qui, avec sa rythmique au piano et sa guitare slide, s’avère le plus original de l’album.
L’auditeur amateur des Black Crowes se retrouvera donc plutôt en terrain familier à l’écoute de "Highwater I". Mais il aura aussi plus d’une fois le sentiment d’enfiler des charentaises plutôt que des santiags. D’abord parce que Rich Robinson a, consciemment ou pas, gommé de ses compositions tout le côté sombre et mystique qui faisait le sel de la musique des Géorgiens. Ensuite parce que John Hogg n’a ni la voix ni le charisme de Chris Robinson. Enfin parce que, malgré une production irréprochable et des titres malgré tout agréables à écouter, il est difficile de résister à l’ennui que peut provoquer "Highwater I" sur la durée.
Ni bon, ni mauvais, ce premier opus de The Magpie Salute est donc quelconque. C’est d’autant plus décevant que ce qualificatif n’aurait jamais pu être attribué à un album des Black Crowes, même au moins inspiré d’entre eux. En mettant fin au duo détonant qu’il formait avec son petit frère Rich, Chris Robinson l’a laissé orphelin d’une partie de son inspiration et a emmené avec lui l’âme soul qui faisait toute la richesse de leur musique. Souhaitons que ce ne soit que provisoire et que "Highwater II", qui paraîtra l’année prochaine, nous fasse mentir.