Derrière l'intrigant nom M'Z se cache un multi-instrumentiste toulousain du nom de Mathieu Torres, amateur de guitare et de machines sonores. C'est cette double appétence qu'il propose d'unir dans l'album instrumental "Prisme" au concept lié à la lumière et ses déclinaisons spectrales.
Dans ce projet qui ambitionne de faire cohabiter deux typologies d’instruments, le bon dosage est primordial. En exécutant solitaire, Mathieu Torres l’a bien compris et travaille l’harmonie des composantes avec la guitare et l’informatique qui endossent chacun un rôle complémentaire, la première pour livrer la trame mélodique et la seconde pour tisser un canevas electro d’ambiances et de rythmiques. L’écriture de Mathieu Torres brille par sa diversité stylistique et l’intensité des atmosphères qu’elle rend possible. L’auditeur trouvera beaucoup de tonalités jazz, notamment dans ‘Aurore (Emission)’ qui rappelle l’écriture d’Al Di Meola ou ‘L'Arbre Serpent (Indigo)’ et ses cuivres dynamisants, des morceaux plus pop dans l’esprit comme ‘Sweet Acid (violet)’ avec ses beats electro puissants et des ambiances reposantes comme dans le pictural et orchestré ‘Les Cycles (Vert)’.
Les impressions et sensations que les compositions suscitent chez l'auditeur sont souvent en cohérence avec les couleurs dont est porteur chaque morceau, en cela Mathieu Torres a pensé la construction conceptuelle de son album. Il y a par exemple le rouge 'Révoltes' qui met en contraste une mélodie orientale subtile et de gros riffs metal dans un tourbillon rythmique endiablé ou le rétro et jazzy 'L'Orange C'est La Santé' qui évoquera la nostalgie des images sépia. Hormis ‘La Chambre Jaune’ qui donne le tournis tant les motifs se succèdent à vive allure, les titres harmoniquement riches s’écoutent avec une certaine facilité. On regrettera aussi la fin de "Prisme" qui modère les bonnes impressions ressenties jusque-là avec ‘Phagocyte’ qui phagocyte justement le thème mélodique de ‘Révoltes (rouge)’ mais en cassant sa structure initiale et ‘Perception (Reception)’ aux accents dissonants et à l’écoute éprouvante à cause de rythmiques programmées trop synthétiques. C’est d’autant plus regrettable qu’à plusieurs reprises Torres a eu le bon goût d’intégrer beaucoup de percussions aux sonorités tribales pour contrebalancer les boites à rythmes.
Mathieu Torres rend plaisante l’écoute de cet album de fusion moderne qui, sur le papier, a tout pour rebuter le commun des mortels. En jouant sur la diversité des sons de guitare et sur les vastes possibilités de textures et d’atmosphères programmables grâce à la technologie actuelle, "Prisme" s’écoute sans pause ni ennui. Avec son jeu de guitare fluide et sans démonstration technique, Torres ajoute la mélodie à l’ensemble pour un résultat réussi de musicalité. En somme "Prisme" est une bonne surprise qui pourrait en étonner plus d’un.