Depuis 2000, la discographie de Joe Bonamassa est pour le moins impressionnante. Entre ses opus studios et live, ses groupes (Black Country Communion et Rock Candy Funk Party) et ses collaborations avec Beth Hart ou Mahalia Barnes, ce n’est pas moins d’une quarantaine d’albums que le génial guitariste-chanteur a déjà offert à ses admirateurs. Sur l’année en cours, "Redemption", nouvelle offrande studio solo, est la troisième parution après le "Black Coffee" avec Beth Hart et le live "British Blues Explosion". Et comme à chaque fois, la question du maintien du niveau d’excellence se pose, d’autant que les rares baisses de régime de la discographie de l’Américain restent encore inatteignables pour l’immense majorité de ses concurrents.
S’il ne s’est pas étendu sur le sujet, faisant preuve au passage d’une pudeur assez rare dans le milieu, Joe Bonamassa a avoué traverser une période douloureuse d’un point de vue personnel. Pour ce troisième album composé uniquement de morceaux de sa propre création, l’artiste va néanmoins se livrer au travers de quelques titres sur lesquels l’émotion va toucher l’auditeur au plus profond de son âme. Si ‘Deep In The Blues Again’ se la joue highway-song sur fond de crépuscule, la ballade ‘Self-Infected Wounds’ se fait désespérée et profonde, laissant pourtant poindre un pâle espoir au travers d’un solo lumineux. Alternant ombre et clarté, le monumental titre éponyme varie les intensités avec une puissance évocatrice de tous les instants et un nouveau solo rougeoyant. ‘I’ve Got Some Mind Over What Matters’ est également inspiré par les tourments traversés par l’artiste mais se fait plus groovy et accrocheur avant que ‘Stronger Now In Broken Places’ se révèle comme une poignante mise à nu avec sa simple guitare acoustique enrobée de sons créés par Jim Moginie (Midnight Oil) et Kate Ston.
Alternant avec ces moments d’émotions à la fois pures et maîtrisées, Joe Bonamassa varie les plaisirs, glissant au passage quelques hommages à peine déguisés à Led Zeppelin le temps d’un riff ou d’un break (‘Evil Mama’, ‘Molly O’ ’, ‘Redemption’). L’ouragan ‘Evil Mama’ dévaste tout sur son passage avec une énergie communicatrice avant que ‘King Bee Shakedown’ emporte les restes avec son irrésistible fraîcheur entre un rockabilly digne de Brian Setzer et un boogie-blues aux accents de ZZ Top. Plus sombre et lourd, ‘Molly O’ ’ rappelle les influences hard rock du maître des lieux. La dobro est de sortie sur un ‘Pick Up The Pieces’ légèrement jazzy et remémorant quelques œuvres de Tom Waits, alors que ‘The Ghost Of Macon Jones’ voit James Johnson partager le chant avec Joe pour nous conter l’histoire d’un paysan renégat sur fond de country-rock. Enfin, ‘Just ‘Cos You Can Don’t Mean You Should’ et ‘Love Is A Gamble’ présentent la face la plus classique du blues-rock proposé par Joe Bonamassa, à la fois old school et imparable avec un feeling dégoulinant de chaque note de guitare.
Enregistré entre Nashville, Sydney, Las Vegas et Miami et composé avec les légendes de Nashville que sont Tom Hambridge, James House, Greg Gary Nicholson, Richard Page et Dion Di Mucci, ce nouvel opus brille tel un diamant au sommet du palais des œuvres du génial américain. Joe Bonamassa maîtrise totalement son art et sait parfaitement mettre son talent à la disposition des émotions à transmettre. Varié, sans la moindre faille et éblouissant de feeling, "Redemption" vient assommer la concurrence et imposer définitivement la domination incontestable mais bienveillante de son auteur.