Redemption n'a jamais été aussi productif que depuis que son leader de guitariste Nick Van Dyk est revenu de l'enfer d'une longue maladie pourtant si souvent fatale. Deux ans à peine après "The Art Of Loss" qui n'aura pas laissé une trace indélébile dans la carrière du groupe, revoici le combo californien avec un "Long Night's Journey Into Day" très attendu.
Cet opus 2018 marque une événement dans le long fleuve tranquille de la carrière de Redemption qui, en plus du départ de Bernie Versailles, s'est séparé de son emblématique chanteur Ray Alder (Fates Warning) après plus de dix ans d'un line up à la stabilité exemplaire. C'est le non moins légendaire Tom Englund (Evergrey) qui a été choisi pour le remplacer : une pointure en chasse une autre. S'il est facile de deviner que la prestation vocale du Suédois sera de qualité, qu'en sera-t-il de l'identité du groupe ? L'album ne risque-t-il pas de sonner un peu trop Evergrey avec la présence de son chanteur charismatique ?
Autant le dévoiler tout de suite, c'est là que réside la prouesse de cet album. Malgré la voix très connotée de Englund, à aucun moment on ne doute que l'on est en présence d'un album de Redemption. Van Dyk a su conserver ce qui fait l'âme du groupe au travers d'une écriture très personnelle finalement beaucoup plus reconnaissable que le simple timbre de voix de son frontman, si reconnaissable soit-il. Tous les ingrédients typiques du groupe sont présents, les riffs rapides et acérés, les multiples phases lors des intros à rallonge, les guitares rythmiques incisives, les claviers aux sonorités caractéristiques et la section rythmique toujours aussi présente. Même Englund se prend à user d'intonations rappelant Alder sur des mélodies que l'on croirait écrites pour l'un comme pour l'autre.
'Someone else's Problem' est le parfait exemple de cette identité musicale si marquée. Le morceau, comme le titre éponyme qui clôt l'album, semble tout droit sorti de "Snowfall On Judgement Day" dont la production est furieusement similaire à celle du cru 2018. C'est en s'inspirant de ce qu'il a déjà produit par le passé que Van Dyk a su conserver cette signature sonore unique. La rage de "Fulllness Of Time" est également présente aujourd'hui comme sur 'The Echo Chamber' ou 'Little Men', deux titres aux mêmes accents de power prog chers au Californien.
Bien sûr, cette proximité avec les albums passés se fait au détriment de l'originalité et l'empêche de briguer la note maximale. Ainsi, 'Indulged In Colors' rappelle fortement 'Black And White World' de 2009 et ce "Long Night's Journey Into Day" est calqué sur le même modèle que le "Snowfall On Judgement Day" de l'époque. Mais comme il est l'un des plus réussis du groupe, les fans pardonneront certainement ce travers. 'And yet' et son piano/voix mélancolique mêle intelligemment la sensibilité d'Englund et l'écriture profonde proche de 'Origins Of Ruin' (2007) et quand le thème est repris sur 'The Last Of Me' qui lui fait suite, l'envie de crier au génie pourrait bien vous envahir. Un dernier mot sur la dispensable reprise de U2, 'New Year's Day', qui n'apporte pas grand chose à l'album, pas plus qu'à l'original.
Il faut tout de même saluer le génie de Nick Van Dyk qui a réussi la prouesse de faire oublier Alder grâce au talent de Tom Englund et à une authenticité qu'il est impossible de lui dénier. L'album est dense, comme à l'habitude, furieusement mélodique, techniquement irréprochable, vocalement de très haute volée, et la production exemplaire qui détache chaque note de chaque instrument est un plaisir renouvelé à chacune des écoutes que l'on prédit nombreuses aux fans du groupe comme à ceux de metal progressif. Redemption reste une écurie de poids dans le domaine, une référence, et conservera ce statut tant que sa tête pensante sera aussi inspirée. Un modèle du genre.