Cherry Red Records via son label Lemon réédite en février en version "Deluxe double CD" simultanément "Twin Barrels Burning" (paru initialement en 1982) et "Raw to the Bone" (1985) du célèbre groupe de rock anglais Wishbone Ash. La présente chronique s'intéressera plus particulièrement à " Raw to the Bone ".
Après un "Twin Barrels Burning" distillant un hard rock pêchu aussi enthousiasmant que peu original, Wishbone Ash renoue avec ses difficultés à conserver un line-up stable depuis que son bassiste emblématique Martin Turner l'a quitté. John Wetton et Trevor Bolder ont chacun marqué de leur courte présence le groupe avant de convoler l'un avec Asia, l'autre avec Uriah Heep en secondes noces. C'est Mervyn Spence, ex-Trapeze, qui prend leur place pour compléter l'effectif.
Un recrutement loin d'être anodin. En effet, non seulement le jeune homme est venu avec dans ses valises de nombreuses idées de compositions qui vont être adoptées par Wishbone Ash, mais en plus il endosse pour la première fois dans l'histoire du groupe le rôle de lead singer, une idée qui travaillait les autres membres depuis quelques années et à l'origine du départ de Martin Turner.
De ce fait, "Raw to the Bone" sonne encore moins Wishbone Ash que son prédécesseur. C'est une collection de titres plutôt enlevés, partagés entre un AOR fort à la mode en ce milieu des années quatre-vingts ('Cell of Fame', 'Don't You Mess', 'Dreams'), classic rock ('Don't Cry', 'Love is Blue') et hard rock ('Rocket in my Pocket', 'It's Only Love', 'Perfect Timing'). Le chant plutôt haut perché de Mervyn Spence est la pièce centrale de ces chansons ni bonnes, ni mauvaises, plutôt quelconques et très conventionnelles, les musiciens se contentant d'être relégués en arrière-plan de la voix. Le manque de conviction d'un groupe qui se cherche visiblement est palpable et fait de ce "Raw to the Bone" l'un des albums les plus faibles de la discographie de Wishbone Ash.
Une bonne remasterisation n'a jamais transformé un album moyen en chef d'œuvre et le miracle ne se produit pas plus ici. La nouvelle version de "Raw to the Bone" qui occupe une grande partie du premier CD n'a donc rien d'inoubliable. Mais, alors que souvent les bonus des rééditions sont des démos ou des prises alternatives qui n'intéressent que les fans purs et durs, ceux de cette réédition s'avèrent plus intéressants que l'album d'origine lui-même.
Le CD1 est complété d'un inédit composé par Mervyn Spence, 'She's Still Alive', aussi fade que les titres qui l'ont précédé, et de 4 morceaux composés par la paire Powell/Upton, Mervyn Spence et Laurie Wisefield ayant alors déserté Wishbone Ash, et enregistrés en compagnie de deux musiciens studio lors d'une session en 1986. Coincé entre deux hard rock et une ballade, 'Valley of Tears' retrouve presque la légèreté et la grâce qui avaient fait la gloire de Wishbone Ash à ses débuts.
Le CD2 reprend deux captations live du groupe pour des émissions de la BBC. La première (The Friday Rock Show) contient 4 titres tirés de "Raw to the Bone" interprétés de façon bien plus convaincante jusqu'à nous les rendre intéressants. Sur la seconde (Live at Hammersmith), les musiciens reprennent quelques vieux standards ('King Will Come', 'Blowin' Free') qui montrent si cela était nécessaire à quel point Wishbone Ash était un grand groupe dans ses premières années. Mais aussi, qui soulignent le contraste entre sa période faste et sa période actuelle.
Si "Raw to the Bone" est un album relativement quelconque, cette réédition se justifie par ses bonus, les fans de la formation anglaise ne pouvant passer à côté des 4 inédits de la session de 1986. Et le second CD live montre un groupe bien plus à l'aise sur scène qu'en studio.