William Shakespeare a écrit :"La musique est l'aliment mélancolique de ceux qui ne vivent que d'amour". Cette phrase du dramaturge anglais peut parfaitement illustrer la musique de Nosound depuis son origine. La mélancolie est le cœur même du projet porté par Giancarlo Erra, qui, à l'image des poètes maudits du XIXè siècle et avec son art, habille sa musique d'un spleen ambiant dont le groupe se fait l'écho. Elle revêt, par définition, une profonde tristesse et un certain mal de vivre qui en découle.
Cependant, après sept albums, l'artiste italien a souhaité donner, dès "Scintilla", un tournant à son art rock, éprouvant une soudaine envie d'évolution en y apportant des éléments alternatifs et électroniques. Poussant plus loin cette progression, la pochette à la beauté diaphane, d'un blanc lumineux presque aveuglant, contraste avec la froideur des deux mannequins, en contradiction avec la vie qui émaillait la pochette de "Scintilla". Cette mise en scène accentue l'aspect presque oppressant de ce nouvel album, qui pourrait quasiment rappeler le "Damnation" d'Opeth.
Les nappes de claviers typiques accueillent l'auditeur avec un petit quelque chose en plus dès l'introductif 'Ego Drip', un dynamisme sous forme d'une loop électronique sur laquelle se greffe la voix doublée de Giancarlo qui épouse la forme d'un canon asymétrique à donner le vertige. La mélancolie toutefois revient morfondre le sublime 'Shelter' planant et atmosphérique à souhait, exhalant une tristesse paradoxalement bienfaisante et réconfortante. En effet, la musique triste peut être appréciée non seulement comme quelque chose d'esthétique, comme peut être de prime abord celle de Nosound, comme une récompense abstraite, mais elle peut aussi jouer un rôle dans le bien-être en apportant une consolation et réguler la mauvaise humeur et les pensées négatives.
La musique de Giancarlo transfigure, par un tempo lent, les émotions ou les ressentis comme la nostalgie, l'apaisement, la tendresse et l'émerveillement. Plusieurs titres se distinguent en ce sens comme 'My Drug' plus organique par ses quelques notes de piano et un chant qui traîne en longueur, comme pour évacuer une peine douloureuse mais avec une certaine pudeur : une sorte de chant du cygne. Notre artiste italien s'accapare certains gimmicks du post rock avec quelques titres répétitifs accentuant la noirceur qui coule dans les portées musicales ('This Night'). Loin de se reposer sur des lauriers tressés depuis des années, Nosound apporte quelques touches dynamiques presque explosives comme dans le sublime 'At Peace' où les cordes très bien utilisées tout au long de l'album donnent une dimension encore plus grande au projet.
Cet album est un condensé d'émotions à fleur de peau dont les sommets, à notre sens, restent 'Growing In Me' qui mêle douceur dans les couplets avec un refrain rageur, 'Weights' avec sa construction progressive qui tranche avec l'aspect chanson qui se dégage de l'album ou 'Don't You Dare' avec son intro saturée et son aspect trip hop à la Portishead. Anathema n'est également pas très loin dans 'Miracle' ou 'This Night', déjà cité, qui pourrait rappeler dans une certaine mesure "A Natural Disaster"... Nosound crée une sorte de néo doom art rock.
Au final "Allow Yourself" pourrait donc avoir un effet cathartique afin que l'auditeur amateur puisse évacuer ses émotions négatives. Mais, loin d'afficher cette prétention, cet album procure un plaisir certain en permettant à celui qui le reçoit d'imaginer et de créer sa propre histoire. Le philosophe disait : "La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée", ce nouvel album de Nosound, abordant le changement dans la continuité, en est la parfaite illustration.