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"Riverside, avec une retenue et un savoir-faire mélodique qui l’honore, ne pouvait pas rêver offrir un meilleur hommage à son défunt guitariste."
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4/5
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Riverside s'est construit une solide
réputation avec une discographie riche dont le rythme des sorties a
failli être stoppé suite à la mort brutale et
soudaine de Piotr Grudziński. On imagine les questions qui ont dû
traverser l’esprit des membres survivants : faut-il continuer et dans cette hypothèse sous quelle
forme ? L’autre interrogation est plus métaphysique, celle de
la relation entre la créativité et l’angoisse de la mort. Quelle
influence positive ou négative peut avoir l’idée de la mort sur
la créativité d’un artiste ? Souvent le constat est que
les œuvres les plus belles ont été créées suite à des grandes douleurs morales ou période de dépression, les artistes voyant leur créativité décuplée. Serait-ce le cas pour ce nouvel album ?
Relativement rapidement après la
survenance du décès, Mariusz a pris la décision de ne pas
enterrer son groupe, de continuer sous la forme d’un trio et de
s’investir dans le travail de composition. Le groupe a sorti une
compilation electro et quasiment instrumentale assez déstabilisante.
Ensuite, le leader s’est engagé corps et âme dans son projet
personnel Lunatic Soul en éditant deux albums en moins d’un an
tout en étant toutefois accompagné des membres de Riverside, histoire de ne
pas perdre pied. C'est dans ce contexte qu'intervient "Wasteland".
Le mot signifie « terre en
friche » et apporte d’emblée un indice rien que dans son titre. Tout est à
reconstruire après que le groupe a été dévasté. Riverside va
ainsi semer en neuf titres les graines afin de redonner vie à ce qui
a été consumé. Mariuz débute ‘The Day After’ a cappella de sa
voix claire et grave qui sera ensuite brouillée dans les dernières
secondes avec quelques notes de violon à la Believe afin de faire la
transition avec ‘Acid Rain’. Si "Love, Fear And Time
Machine" avait marqué un tournant chez Riverside avec des
moments nettement plus atmosphériques, ce titre renoue avec des
saillies metalliques d’antan. Mariuzs qui s’occupe désormais des
parties de guitares, en plus de la basse et du chant, distille des
riffs agressifs avec un refrain aérien entêtant. Les ruptures sont
fécondes dans la rythmique, enfonçant le clou d’un progressif qui
s’était quelque peu estompé des précédentes compositions.
Car "Wasteland" se
rappelle au bon souvenir d’un "Rapid Eye Movement"
notamment avec des titres moins aseptisés tout en conservant le goût
prononcé du groupe pour la mélodie. De là à conclure à un album
thérapie, il n’y a qu’un pas que l’on peut franchir. En effet,
plusieurs titres se font l’écho de l’événement tragique qui a
frappé les Polonais, comme ‘Vale Of Tears ‘ qui oscille
entre une rage contenue et pudique dans les couplets qui sonnent
presque heavy à la Maiden et un refrain apaisé. Il témoigne (comme
tout l’album) du processus de deuil vécu par le groupe passant par
les étapes du déni, de la colère, du marchandage avec la mort, de
la dépression et de l’acceptation. ‘The Struggle For Survival’
qui s’en suit est le titre le plus surprenant. Cet instrumental illustre les difficultés de ceux qui continuent à
vivre sans celui qui est parti. La guitare est largement mise en
avant, parfois décousue, répétitive, hypnotique comme si Piotr
s'était réincarné en elle. Les solos s’enchaînent, s’enchevêtrent
avec les nappes de claviers et une rythmique démoniaque.
Malgré cette gravité, les moments de
grâce sont légion avec le magnifique ‘River Down Below’ qui
après une introduction quasi folk médiéval délivre une mélodie
imparable à donner la chair de poule agrémentée d'un magnifique solo final, ou
‘Guardian Angel’ transporté par ses accords célestes dédiés
à Piotr qui contrastent avec la voix encore une fois d’une gravité incroyable de
Mariuzs. ‘Lament’ revêt un aspect mystique et tutoie à nouveau
le médiéval avec ses harmonies vocales sous forme de chorale.
Le titre éponyme est également quasi instrumental, laissant
le soin aux musiciens de libérer leurs sentiments et d’exorciser
leur frustration avec la profondeur et la richesse proches d'un Transatlantic. Le piano vient clore ce bien bel album avec douceur et de façon sereine en s'inspirant de Iamthemoring, ajoutant encore un peu plus d'émotion à "Wasteland" qui n'en manque pas.
Au final, cet album de la
reconstruction se raccroche au passé des Polonais, jusque dans la pochette qui rappelle "Memories In My Head". Il place indéniablement en son centre Piotr tout en évitant de tomber dans le pathos indécent.
Riverside, avec une retenue et un savoir-faire mélodique qui
l’honorent ne pouvait pas rêver offrir un meilleur hommage à leur
défunt guitariste. S’il faudra du temps pour déterminer la place
que cet album prendra dans la discographie du groupe, on peut d’ores
et déjà affirmer qu’il offre suffisamment de moments de haute
volée et de segments plus ardus pour permettre au trio de
cicatriser la plaie béante laissée par la disparition de Piotr et
de (sur)vivre avec cette douleur.
Plus d'information sur
https://www.riversideband.pl/en/
LISTE DES PISTES:
01. The Day After 02. Acid Rain 03. Vale Of Tears 04. Guardian Angel 05. Lament 06. The Struggle For Survival 07. River Down Below 08. Wasteland 09. The Night Before
FORMATION:
Mariusz Duda: Chant / Guitares / Basse Michal Lapaj: Claviers Piotr Kozieradzki: Batterie
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(1) AVIS DES LECTEURS
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Via Lunatic Soul, Mariusz Duda parvient, pour moi, à proposer de la musique issue d'une autre genèse: les mélodies s'effacent au profit des ambiances, tout en s'infiltrant insidieusement dans l'oreille, obsédantes, dérangeantes ou oniriques. Il en résulte une musique intemporelle et inusable, que l'on peut réécouter en boucle en y redécouvrant à chaque fois quelque chose de nouveau. Je ne connais que très peu d'artistes qui sont capables de composer de cette façon.
Pour autant, même si le credo de Riverside me semble davantage formaté dans une mouvance métal-prog-rock qui n'est pas spécialement ma tasse de thé, je suis tombé sous le charme de "Wasteland". L'équilibre des styles y est remarquable, les fulgurances hard-rock sont parfaitement intégrées, l'improbable cheminement de la musique entre introspection tourmentée, rêverie atmosphérique, aliénation cérébrale et échappée spirituelle était une gageure qui s'est changée en coup de maître. Un album récemment découvert et rapidement adopté, qui m'invite à reprendre mon exploration du projet polonais - j'étais déjà assez proche de "Eye of the Soundscape", mais en marge du Riverside originel. La frontière me semble à présent moins difficile à franchir.
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(1) COMMENTAIRE(S)
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LECTEURS:
4.7/5 (12 avis)
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STAFF:
4/5 (4 avis)
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