De Sons Of Alpha Centauri, on connaît surtout l'album partagé avec Treasure Cat, "Last Days Of Summer" (2009) dont on garde le souvenir d'un stoner rock instrumental biberonné à Karma To Burn, l'incontestable maître du genre. De fait, en le déflorant, "Continuum" n'a pas manqué de nous surprendre par ses aplats plus feutrés que couillus. Il faut dire que les Anglais ont eu le temps d'évoluer, de mûrir pendant cette abstinence longue de neuf années. Prétendre que ces derniers sont avares de leur semence tient du doux euphémisme.
De là à affirmer qu'il s'agit presque d'un nouveau groupe, il y a un pas que nous ne franchirons pas car le quatuor a, dès ses débuts, su mêler puissance et atmosphères en laissant ses influences post rock remonter à la surface. Mais il n'en demeure pas moins que ce qui n'est au final que son deuxième opus officiel peut de prime abord décevoir par son apparente retenue. Malgré une épaisse couche de guitares ('Solar Storm'), les musiciens ne forcent jamais le trait, aux lignes appuyées, ils préfèrent un pastel d'ambiances. Alors que l'ennui guette déjà souvent ce type de maillage entièrement instrumental, le choix de privilégier la douceur d'une brise à la force d'une tempête rend plus grand encore le risque d'endormir l'auditeur.
En réalité, "Continuum" se révèle bien plus vivant qu'il n'en a l'air mais ce n'est qu'après avoir multiplié les préliminaires qu'il offre sa précieuse intimité, nichée dans les doux méandres d'un rock pointilliste auquel la prise de son de Aaron Harris (Isis) confère une bonne part de sa texture délicate. C'est aussi dans sa globalité contemplative qu'il dévoile sa beauté paroxysmique, laquelle explose en un orgasme émotionnel lors d'un 'Return Voyage' déchirant, échappée longue de plus de dix minutes qui ferme un menu tout en progression dont les huit pistes semblent n'en former qu'une seule, côtés successifs d'un ensemble indivisible qui se déploie tranquillement pour mieux nous envoûter.
Les quatre Anglais sont à l'unisson d'une expression presque silencieuse, néanmoins secouée dans ses profondeurs par une tension larvée. Si les claviers les nimbent d'un voile ouaté quasi spatial ('Jupiter'), la guitare pigmente ces compositions d'une dureté souterraine quand bien même Marlon King égrène une trame souvent fragile sinon atmosphérique ('Io'), cependant que le travail de la paire Nick Hannon (basse) et Stevie B (batterie) arrime le tout à une terre ondoyante. "Continuum" n'échappe pas à une noirceur diffuse qui s'étale peu à peu, particulièrement prégnante sur 'Interstellar' auquel succède le court 'Orbiting Jupiter' et son piano empreint de tristesse.
Corollaire de cette mélancolie discrète, l'album a quelque chose d'un voyage entêtant dont la fébrilité ne le rend que plus grave et profond. Il est l'oeuvre d'un groupe plus mature, qui a su définir une signature plus personnelle. Souhaitons que Sons Of Alpha Centauri confirme rapidement une évolution dont on aimerait goûter le fruit sans devoir patienter à nouveau dix années supplémentaires !