Les cinq membres de Man With A Mission ont été fabriqués en laboratoire sur l’île de Electric Lady Land et utilisés comme des armes pour accomplir les pires méfaits sur la planète. Puis leur créateur Jimi Hendrix, soudain pris de remord, les a cryogénisés sous un glacier dans l’Antarctique. Mais le réchauffement climatique les a libérés en 2010. Affublés dans leurs clips comme en concert de masques de loup, qui dans la culture japonaise est un animal bon et protecteur, ils ont alors décidé de se repentir et de transmettre un message de paix au monde entier à travers leur musique.
Voilà pour le plan marketing. Et il fonctionne parfaitement. Man With A Mission cartonne depuis plusieurs années au Japon. Le groupe remplit les stades, sa musique inonde les stations de radio nippones et est utilisée par de nombreux films d’animation adaptés de mangas. Reste à la meute à envahir le monde. C’est clairement l’objectif affiché de son cinquième album, "Chasing The Horizon". Pas sûr cependant que le monde soit prêt à accueillir Man With A Mission. Il semble même que le réchauffement climatique ait des conséquences néfastes même en musique. Certes ce pauvre Jimi Hendrix ne pouvait pas prévoir la fonte des glaces mais il aurait pu au moins instiller un peu d’inspiration à ses créatures autoproclamées.
"Chasing The Horizon" ressemble à un cupcake. Pas mauvais a priori mais tellement gras et sucré qu’il est impossible de le finir sans frôler l’indigestion. La recette musicale de Man With A Mission est cependant assez simple : il suffit de mélanger énergiquement les clichés neo metal les moins inspirés de Linkin Park et de Limp Bizkit (‘2045’, ‘My Hero’, ‘Dog Days’) et de lier le tout avec une bonne dose de dance music (‘Take Me Under’). Cependant le groupe est tellement pétri d’influences qu’il ne peut s’empêcher de les saupoudrer sans aucune retenue au fil des titres : l’indus (‘Broken People’), le rap (‘Hey Now’, ‘Break The Contradictions’), le pop rock (‘Dead End In Tokyo’ co-écrit avec Patrick Stump des Fall Out Boy) et l’electro avec notamment deux ballades d’un kitsch redoutable (‘Please Forgive Me’, ‘Chasing The Horizon’). Même les morceaux chantés pour partie en japonais, qui auraient pu apporter une vraie identité à l’album, sont plombés par des mélodies insipides et racoleuses dignes des mauvaises chansons italiennes des années quatre-vingts (‘Winding Road’, ‘Find You’, ‘Sleepwalker’).
Le sentiment de trop plein qui prévaut à l’écoute de l’album est indéniablement accentué par sa durée de soixante minutes qui frise la provocation et par une production qui, à trop vouloir être fun et moderne, empile les pistes instrumentales ad nauseam sans aucun discernement. Seul l’excellent titre funk rock ‘Freak It’ et ses cuivres au groove redoutable tire son épingle de ce jeu de dupe pour geek. A vouloir ratisser trop large sans aucune ligne musicale directrice, Man With A Mission accumule les poncifs et se révèle un groupe sans identité propre, bien plus préoccupé par un éventuel succès international que par une quelconque cohérence musicale. Décidément, le changement climatique n’en finit pas de faire des dégâts.