Le djent est un genre qui a très rapidement installé quelques noms à l’avant-garde rejetant derrière eux une armée de suiveurs essayant de rattraper le wagon de tête. Les Anglais de Monuments ont été dès leur début considérés comme des prétendants pour venir titiller l'ordre établi. L'occasion nous est offerte de faire un point sur le parcours du groupe pour la sortie de leur troisième album "Phronesis", quatre ans après "The Amanuensis".
C'est pour panser leur âme meurtrie par divers moments difficiles de leur vie que les musiciens de Monuments ont bâti leur album autour de la belle notion grecque de phronesis, la sagesse par la praxis. Quoique de plus salvateur pour cela que de revenir aux fondamentaux. C'est possiblement ce qui a conduit Monuments a conservé la portion la plus brute de son metal moderne, plus proche du metalcore que du djent et encore moins du metal progressif.
Monuments n'a jamais été reconnu pour l'originalité de ses riffs, comme Periphery peut l'être, et contrairement à Tesseract les Anglais sont peu friands des séquences atmosphériques. Demeurent la puissance, parfois très agressive (le milieu de 'Jukai'), rendue encore plus asphyxiante avec sa production massive, une utilisation excessive de la double-pédale pour saturer l’espace sonore d’une impression de densité rythmique héritée du génome djent du groupe et un mélange de chants metalcore et clairs ('A.W.O.L', 'Hollow King', 'Mirror Image', 'Ivory'). Débordant légèrement de ce schéma direct et calibré, certains titres offrent quelques variations et une écriture plus recherchée qui augmentent l'attrait du disque dans sa seconde partie.
Si la tonalité claire de Chris Barretto, sorte de mélange de pop moderne et de soul, est un des points forts de Monuments, celle-ci ne suffit pas à compenser le cruel manque d'émotion de la musique, principale réserve qu'évoque l'écoute de "Phrenosis". En cela, la qualité mélodique des refrains souffre d'un déficit de finition qui se retrouve globalement dans l'ensemble des morceaux de l'album qui n'éveillent que peu d'intérêt une fois la première écoute achevée. L'exemple le plus frappant est sans doute 'Jukai' qui possède l'introduction la plus aboutie de l'album avec un riff bien trouvé, des contrastes avec une partie médiane dantesque au chant et un refrain à la mélodie entêtante mais qui ne profite pas d'un boulevard pourtant bien amené pour emporter l'auditeur pour un final ascensionnel, Monuments préférant faire tourner en boucle une séquence atone qui vient mourir en fade-out ('The Watch' se termine de la même manière).
"Phronesis" est à l'image de ses prédécesseurs, c'est un album qui s'écoute aisément sans défauts majeurs mais sans éveiller un enthousiasme excessif. Monuments semble à son aise à l'interface du metalcore, du metal moderne et du djent et trouvera un auditoire parmi les amateurs de ces trois styles. Mais sans affirmer clairement sa préférence, cette originalité nourrit l’identité équivoque de Monuments.