Trois garçons qui venaient du Brésil, trois frangins piliers de Krisiun, pratiquent depuis deux décennies une musique malsaine, triplet infernal qui érige des vibrations titanesques sur fond de blasts tonitruants ou de vociférations démoniaques. Après des années de bons et loyaux services marqués par des rondelles gorgées de venin, de bile, de crachats à la face du divin ou de sadisme, et pour lesquelles la presse fut parfois impitoyable, les frangins reviennent avec leur onzième œuvre.
La pochette laisse déjà présager d’un voyage parmi les âmes de Morbid Angel, Deicide ou Immolation, alors que les premières notes de "Sourge of The Enthroned" dévoilent une ambiance méphitique, puis dessinent une scène où des esprits malins vocifèrent à s’en percer les tympans. En sommet un combat entre l’ombre et la lumière, dans lequel le sang carmin gicle sur le blanc immaculé d'ailes angéliques.
Les premières secondes suivent le cours d'un fleuve impétueux ou se mêlent boues épaisses issues du death old school et frissonnements d’eaux plus claires engendrés par la version mélodique et mélancolique du genre lorsqu'il flirte avec le thrash. Le trio aime aussi la dissonance et le prouve dès le morceau titre et ses phrases musicales étranges : la batterie enclume nous met définitivement à terre dès les premières secondes suivant ainsi les as de Suffocation. Par ailleurs les changements de rythmes sont nombreux, les éructations grasses, la guitare solitaire aux cordes maltraitées digne de Malevolent Creation. Cette virée old school se poursuit avec ‘Demonic III’, où l’angoisse et la terreur ultime règnent en maîtresses et où aucune mélodie ne semble émerger d’un monceau de pulsations épaisses.
Par la suite une mutation s'opère discrètement quand ‘A Thousand Graves’ érige une ambiance thrash qui lorgne vers Arch Enemy. Puis à mi-chemin, même si les premiers instants semblaient prometteurs, à partir de ‘Devouring Faith’, les titres semblent évidemment tisser une toile machiavélique, mais aussi suivre une trajectoire par moments rectiligne.
‘Electricide’ laisse apparaître plus de modernité lorsque le riff diffuse une mélodie ténue, prolongée lors du pont, aérant par la même occasion une suite de pistes qui semblaient parfois opaques. Mais rassurez-vous la double pédale est omniprésente et les crachats vocaux systématiques. Enfin ‘Whirlwind Of Immortality’ est une note de “tendresse” relative, comme la morsure du cuir sur des chairs masochistes rougies. Variations rythmiques, riffs fouillés effacent définitivement l’impression de morne plaine que l’on pouvait ressentir au milieu de l’opus. Alors avec cette cavalcade épaisse comme le mazout, on assiste au couronnement d’orfèvres du style.
“Sourge of The Enthroned” est une bonne galette de death qui hésite entre le penchant opaque, occulte et teigneux, et les cavalcades apocalyptiques enluminées par des ondes mélodiques... On sent toutefois le cœur des frangins balancer vers les abysses obscures peuplées de démons, d’antichambres où résonnent les cris de Morbid Angel, Malevolent Creation ou Suffocation. L’opus est joué avec passion et un sens de la mise en place indéniable, néanmoins il est parfois droit et rectiligne. Alors peut-être que les frangins ont forgé une couronne, mais ils attendent encore de s’en coiffer comme des rois et non plus comme des valets.