La consistance des albums de Kingcrow depuis "Phlegethon" en 2010 nous fait scruter leurs sorties avec impatience et envie. "The Persistence", septième album des Italiens est donc l'une des attractions de cette rentrée 2018 et l'un des albums de metal progressif les plus attendus de l'année, au moins par votre serviteur.
Les deux premières pierres de l'édifice "The Persistence" reprennent les solides fondations que les Romains ont bâties depuis plusieurs années avec un metal progressif mélodique et incisif. Variations de rythmes, breaks, lignes vocales chaloupées, rythmique complexe et mélodies immédiates émaillent l'album et l'introductif et énergique 'Drenched'. Avec 'Closer', inspiré du même creuset mélodique, Kingcrow enfonce le clou grâce à un refrain imparable soutenu par les chœurs de tous les musiciens dans une unité magnifique. Les riffs sont enivrants et la basse ronflante rappelle Massive Attack dans une ambiance plus atmosphérique, une tendance que l'on retrouvera également sur 'Everything Goes' ou sur 'Every Broken Pieces Of Me' qui font eux aussi une belle place à des ambiances trip-hop et aux claviers electro.
Passés maîtres des riffs et sur-riffs lors des refrains très travaillés, les transalpins affirment pleinement leur identité musicale avec un son unique et un style désormais immédiatement reconnaissable. Les multiples voix sur les refrains, le chant très expressif de Diego Marchesi, la complicité évidente des deux guitaristes et la complémentarité de la section rythmique sont le fruit d'un travail d'orfèvre. Chaque titre est ciselé, appuyé par une production magnifique (signée du guitariste Diego Cafolla), d'une richesse mélodique rare et émaillé de gimmicks astucieux donnant une couleur unique à la musique de Kingcrow.
Dès lors, difficile de classer cet album dans une catégorie réductrice tant les influences reconnaissables sont assimilées pour faire de "The Persistence" un album d'un équilibre presque parfait et d'une grande maturité. Si les puristes reprocheront un virage moins progressif - 'Folding Paper Dreams' et 'The Persitence' restant tout de même très imprégnés de ce style - ou quelques "emprunts" trop visibles (à Anathema par exemple), des titres à l'écriture poignante comme 'Father' ou 'Perfectly Imperfect' termineront de convaincre l'auditeur de ré-appuyer sur le bouton play.
Au cœur de l'album, 'Devil's Got A Picture' peine à démarrer mais accélère furieusement le rythme avant de redescendre tout en douceur et créant un enchainement presque parfait avec l'émouvant 'Night's Desending'. Magistralement interprété par Daniel Gildenlöw, le charismatique chanteur de Pain Of Salvation (avec qui Kingcrow partage l'affiche d'une tournée européenne à l'automne 2018) et Diego Marchesi, ce titre propulse l'album dans des sommets d'intensité et montre que les Italiens ont franchi un cap.
Sortant d'une trilogie achevée en 2016 avec "Eidos", Kingcrow semble libéré d'une écriture au champ d'action limité et "The Persistence" leur permet d'explorer une autre facette du metal tout en y apportant leur style très personnel. Les fans du groupe n'y seront pas perdus et y gagneront, comme les autres, une ouverture vers un metal prog teinté d'atmosphérique. Nul doute qu'avec l'appui d'une grosse écurie comme Sensory et d'une exposition plus à la hauteur de leur talent, les Italiens devraient rencontrer un vif succès grâce à un album abouti, mélodique, équilibré et d'une maturité affirmée qui n'étonnera que ceux qui les découvriront aujourd'hui.