Avis de tempête sur la scène musicale française. Patrice Vigier est un artisan de la guitare au sens noble du terme. Il exerce depuis plus de trente ans la profession de luthier et ses instruments haut de gamme ont trouvé preneur parmi les plus grands : Deep Purple, Black Sabbath, Led Zeppelin, Simple Minds, Guns and Roses, Oingo Boingo, Stanley Jordan, Lapiro de Mbanga et Shawn Lane. Après mûre réflexion et souhaitant passer de l'autre côté de la belle aguicheuse à six cordes (nommé Excalibur), Patrice a pris contact avec les 3/4 du groupe Satan Jokers afin de mettre en forme son projet intitulé Summer Storm avec comme ambition de devenir LE groupe français de rock classique à tendance progressive.
Accompagné d'une section rythmique au cordeau et de Renaud Hantson, considéré comme le meilleur de sa génération par un certain Michel Berger, Patrice a composé dix titres (dont un bonus instrumental conclusif) qui sont autant de morceaux hommage au rock qui a nourri sa passion. Après une brève introduction qui donne le ton de l'orientation musicale de l'album, Summer Storm ouvre les hostilités avec le morceau le plus long de l'album. Ce titre éponyme a pour ossature une rythmique qui rappellera le 'Run Like Hell' des Pink Floyd tout en développant un aspect plus rock que les Anglais, style qui forge l'ADN du groupe, jusqu'au final explosif avec son solo de guitare très inspiré. Renaud Hantson module aussi sa voix, laissant l'impression que plusieurs personnages se répondent. Il s'agit du titre le plus progressif de l'album.
La suite se révèle plus classique avec l’enchaînement de chansons construites sur la forme couplets-refrains donnant l'impression d'écouter plus une compilation de titres variés qu'un album concept, l'aspect progressif des premiers titres s'estompant. Tour à tour, les influences sont marquantes comme le rock bluesy d'AC/DC qui patine 'Little By Little' ou le boogie rock de Status Quo qui colore 'Whoever'. La technique de Patrice est exemplaire et ses soli nombreux sont plutôt convaincants malgré leur classicisme. Surtout ils ne sont jamais envahissants. Son idée fil rouge est de laisser s'exprimer les chansons plutôt que d'étaler sa virtuosité, la technique n'étant qu'un des outils de la transmission des émotions.
Il faut reconnaître que certains titres rehaussent l'intérêt de l'écoute avec un aspect légèrement plus alambiqué comme dans 'G V' (hommage au père de Patrice) qui démarre de façon planante pour vriller vers un rock qui sent bon le cuir suivi par l'hymne 'Life Is Too Short' qui, les paris sont pris, aura un bel écho en live.
Le challenge porté par Patrice est relativement réussi grâce à l'interprétation sans faille des musiciens et du chanteur qui livrent une très belle prestation. Même si le progressif n'est ici que touché du doigt et que l'auditeur pourrait regretter l'absence de prise de risque, l'écoute se révèle agréable et il aura hâte d'écouter la suite prévue pour 2019 en espérant encore plus de relief et de personnalité.