La présence dans ses rangs de musiciens chevronnés issus du creuset extrême norvégien dont Frode Kilvik (Aeternus, Taake) ou le batteur d'Orkan, Rune Nesse, qui l'a rejoint depuis peu après avoir remplacé l'actuel cogneur de Kampfar (Ask), ne doit pas vous abuser : Krakow ne noue aucun lien, si ce n'est humain donc, avec le black metal. Mais cela ne nous en dit pas plus sur sa musique parfois maladroitement définie comme du stoner, genre dont on peine pourtant à trouver la moindre empreinte dans ce metal aux traits certes assez lourds mais trop avant-gardistes pour être enfermé entre les frontières d'une case qu'il enjambe allègrement.
Que "Minus", quatrième effort des Scandinaves, ait été enfanté dans la douleur et la difficulté n'étonne pas, tant son écoute laisse une impression sinon d'inachevé, du moins de morcellement comme si, d'une certaine manière, plusieurs albums cohabitaient en son sein. Ce qui rend encore plus ardue la description d'un groupe qui semble plus que jamais être le laboratoire sonore de musiciens désireux de s'évader du carcan où l'art noir les enferme. Si, tour à tour rocailleuses ou aériennes, les guitares plantent un décor post metal, le chant évoque, par sa force émotionnelle et sa théâtralité mélancolique, un metal atmosphérique voire progressif, celui de Tool par exemple.
Alors qu'il s'ouvre sur deux titres trapus, 'Black Wandering Sun' puis 'Sirens', qui ne sont pas les plus intéressants car brouillons malgré de belles idées et la présence de Phil Campbell (Motörhead) sur le premier des deux, "Minus" prend ensuite un autre chemin, plus convaincant même s'il n'échappe pas toujours à une forme d'éparpillement qui donne à ces compositions des allures d'ébauches ('Tilaus'). Sinueuse et accidentée, cette route est entamée par 'The Stranger' dont on aime la rythmique mangeuse d'espace, les vocalises tragiques et la tension noire qui le vrille dans ses soubassements granitiques. Tension qui couve également sous la surface de 'From Fire, From Stone', qu'un final d'une dureté abrasive enfonce dans les profondeurs d'un cratère sans fin. Quant au titre éponyme, il étire sur presque dix minutes un puissant relief instrumental édifié par un groupe à l'unisson d'une beauté âpre et orageuse.
S'il porte mal son nom, "Minus" n'en demeure pas moins un disque difficile à cerner, techniquement maîtrisé mais dont le menu manque de cohérence, de liant, malgré de très belles idées et une incontestable puissance émotionnelle.