Ils ne sont pas si nombreux les groupes luxembourgeois oeuvrant dans le rock progressif (deux à ma connaissance !) pour que l'on passe à côté d'une de leurs productions, d'autant que ce deuxième album de Light Damage était pour le moins attendu après les promesses entrevues sur leur convaincant premier opus produit en 2014 par Progressive Promotion Records.
'Number 261', single publié par le groupe en avant-première, ouvre ce "Numbers" sous la forme d'un court titre très énergique, porté par un duo de voix masculine/féminine surnageant au-dessus d'un espace sonore à mon sens surchargé, ne constituant pas une entrée en matière idéale. Heureusement, la suite est d'un tout autre calibre et c'est tout d'abord un (trop court) instrumental basé sur un gimmick répétitif qui va venir nous chatouiller les oreilles. Avec un propos initial plutôt léger, celui-ci propose ensuite un beau chorus de guitares suivi d'un solo dans les aigus. Parsemé de breaks et de ruptures rythmiques, le morceau s'achève dans une sorte d'ambiance d'urgence ponctuée par quelques touches de thérémine.
Après ces deux hors-d'œuvre, place au copieux plat de résistance constitué de 'From Minor to Sailor', titre epic contant l'histoire d'un mineur voulant devenir marin. En presque 20 minutes, le groupe luxembourgeois nous produit un pur bonheur de rock néo-progressif, non pas de celui qui caricature le genre, mais plutôt en mode inventif, dynamique en diable avec un son moderne et des guitares agressives, s'approchant même par instant des rivages du post-rock.
Bien évidemment, ce genre de plage ne peut tenir la route qu'avec moult changements de thèmes, tonalités et sonorités. Et il faut avouer que Light Damage met ici tous les ingrédients nécessaires à sa réussite avec pour commencer une splendide introduction mêlant flûte camelienne et un jeu de guitare fortement inspiré par Steve Rothery, avant que l'histoire ne se déroule, enchaînant les ambiances en fonction de la dramaturgie de l'histoire, le tout doté d'un solide refrain tout en chorus qui revient à intervalles réguliers. Même si les claviers se retrouvent quelque peu mis à l'arrière-plan derrière la guitare et le duo basse/batterie très présent, il convient de noter les nombreuses arabesques de piano qui apportent toute leur légèreté à l'ensemble,
Après un tel pavé, loin de laisser le soufflé retomber, Light Damage nous propose encore deux opus magnifiques. C'est tout d'abord 'Little Dark One' et son démarrage en mode musique de chambre, violon et violoncelle de rigueur (tout comme la dernière plage sobrement intitulée… 'Untitled'), qui va prendre tout doucement son envol avec une montée en puissance très progressive. Et puis 'Phantom Twin' va nous faire un démarrage façon 'Albedo 0.39' de Vangelis, avec Philip K. Dick récitant un texte sur fond de claviers cosmiques, puis une petite suite instrumentale aux accents marillionesques, avant que le titre ne prenne véritablement son envol après 3'30, sous la forme d'une myriade de notes jouées au piano, tandis que le reste du groupe déroule sa partition avec moult saillies de guitares et rythmiques impaires de bon aloi, faisant monter la tension au fur et à mesure que l'on avance dans le morceau.
Après quatre années d'attente, les quarante-huit minutes de "Numbers" suffisent à Light Damage pour se propulser dans une nouvelle dimension, passant du statut d'espoir à celui de groupe confirmé. Intégrant les références des glorieux anciens, le groupe luxembourgeois se dote pourtant d'une personnalité propre, qui modernise de fort belle manière ce que l'on nomme néo-progressif depuis maintenant 35 ans ! "Numbers" est incontestablement une belle réussite, à ne surtout pas oublier de se mettre entre les oreilles.