C'est toujours avec beaucoup de bonheur que nous accueillons un nouvel album de Syndone, ponctuel et fidèle à sa règle immuable d'une sortie tous les deux ans. Un bonheur teinté d'une légère impatience anxieuse. Car, si Syndone nous a habitués à des disques de très haute tenue, positionnant le groupe parmi les meilleures formations de musique progressive actuelles, son dernier album, "Eros & Thanatos", tout en restant très bon, semblait un peu moins inspiré et maîtrisé qu'à l'accoutumée, faisant craindre que la mécanique si bien huilée se soit soudain grippée.
Le premier titre, 'Medea', se charge immédiatement de faire taire notre pointe d'inquiétude. Ce morceau instrumental qui permet avant tout aux musiciens de se présenter, chacun à son tour s'exprimant dans un court passage soliste, mêle dans une mélodie rapide et séduisante instruments électriques et orchestre symphonique, très présent sur tout l'album, passant avec aisance d'un piano romantique à un jazz-rock syncopé.
L'impression de transitions parfois brouillonnes et de lignes directrices un peu floues que laissait "Eros & Thanatos" est totalement dissipée sur "Mysoginia", la force de ce nouvel album résidant dans une structuration solide et une grande homogénéité de ton. Homogénéité ne signifiant pas linéarité, loin de là. Syndone reste fidèle à son style fait de cassures, de nombreux et soudains changements de tempo, de mélodies à la signature contrastée. Les sonorités jazzy ('Red Shoes', '12 Minuti') font bon ménage avec les atmosphères classiques ('Caterina', 'Amalia') ou plus rock ('Women' au final que n'aurait pas renié ELP), la mélancolie la plus poignante ('Caterina') côtoie la fantaisie la plus débridée ('12 Minuti' dont la musique et l'interprétation théâtrale, et une fois de plus impeccable, de Riccardo Ruggeri évoquent les mânes de Queen et de l'immense Freddie Mercury) ou l'étrangeté inquiétante d'un 'Mysoginia' déployant son ambiance dramatique sans véritable thème musical.
Tout l'art de Syndone réside dans la fluidité et la spontanéité de ses mélodies aux transitions habiles. Tout s'imbrique merveilleusement dans une admirable limpidité au service de thèmes lumineux. Les instruments se répondent sans jamais se contrarier faisant de cet album un pur bonheur. Tous les titres de "Mysoginia" sont plus réussis les uns que les autres mais, s'il fallait n'en citer qu'un, ce serait assurément 'Caterina' dont la construction et la tristesse du thème confinent au chef-d'œuvre.
Tout du long, "Mysoginia" dégage une poésie vaporeuse, une délicatesse empreinte de mystère, un charme désuet qui poignent l'âme de l'auditeur. La beauté des mélodies, les variations incessantes et la sensibilité des interprètes finissent d'envoûter définitivement ce dernier.