Il est des succès qui sont plus mérités que d'autres. Tel est celui que Monster Truck rencontre depuis cinq ans et un galop d'essai, "Furiosity", du feu de dieu. Un an plus tard, "Sittin' Heavy" n'a pas fait que confirmer le potentiel de son prédécesseur, il l'a amplifié, permettant aux Canadiens de franchir un palier supplémentaire autant en terme de succès que d'inspiration. Vient aujourd'hui le temps du troisième album, étape toujours cruciale dans la carrière d'un groupe, et que le quatuor n'avait pas le droit de rater.
Son nom, "True Rockers", sonne comme une déclaration, même si nous ne doutons pas un seul instant que les gars soient en effet de vrais rockers. Au moins, ce titre, simple et claquant, résume parfaitement le propos des Nord-Américains : s'inscrire dans une tradition heavy et sans fioritures, celle décomplexée des années 70 et 80. Quoi de mieux dans ce cas que faire appel à Dee Snider, pour épauler au chant le bassiste Jon Harvey, le temps d'un 'True Rocker' justement, brûlot qui lance l'écoute avec une efficacité énervée. La voix puissante du légendaire frontman de Twisted Sisters donne au morceau tout son sel, en lui conférant un aspect dur et agressif inattendu.
Après une telle entrée en matière, le menu poursuit sa route en jouant davantage encore que ses devanciers, sur un savant dosage entre énergie velue et flamboyance émotionnelle. Entre classic rock et stoner, que saupoudrent une touche de blues et une pincée de rock sudiste, la recette demeure inchangée mais elle a pris du corps et de l'âme. En l'espace d'à peine quarante minutes, Monster Truck aligne onze pistes qui sont autant de grenades laissant de profondes cicatrices dans la mémoire. La prise de son est énorme sans pour autant être froide, enrobant au contraire d'une patine chaude et humide des instruments qui rivalisent de présence, à l'image de ces claviers généreux à l'arôme seventies ('Thundertruck').
La rythmique est tannée comme le vieux cuir, elle bétonne d'un socle épais les titres les plus lents et bluesy tels que 'Devil Don't Care' et 'Undone', lequel fait davantage parler l'émotion que la poudre grâce à la guitare rutilante de Jeremy Widerman. Dans ce même registre gorgé de feeling, le terminal 'The Howlin'' constitue une autre démonstration de beauté pure, qui permet de terminer l'écoute en apothéose, sur une note orgasmique. Parfois en mode tronçonneuse ('Being Cool Is Over', 'In My Own World'), fédérateur toujours ('Denim Dager'), "True Rockers" arbore également un visage plus surprenant, quasi pop entre un 'Evolution' sucré et un 'Young City Heart' hyper accrocheur, emporté par un mouvement entraînant, sans que les Canadiens n'oublient de durcir le trait avec un tempo de bûcheron, gras et buriné.
Fort de ce troisième album, Monster Truck poursuit son ascension. Il confirme au passage quel (très) grand groupe il est, additionnant classe et énergie au service d'une écriture efficace.