Un titre, "Heathen", déjà utilisé par une multitude de Vikings et une pochette - plutôt belle au demeurant - où se découpe dans l'obscurité Ares, son fondateur et dernier membre historique, dont le torse nu porte un marteau de Thor, n'augurent pas d'un (éternel) retour particulièrement inspiré pour ce vétéran de la scène extrême norvégienne. On espère donc que le contenu de ce huitième album sera plus ambitieux que sa vitrine aux accents païens.
Heureusement, celui qui a quand même, excusez du peu, côtoyé Gorgoroth aussi bien qu'Immortal, est toujours vert et son drakkar, moins rouillé que ce qu'on craignait. Mieux, après un "... And The Seventh His Soul Detesteth" (2013) convaincant mais déjà oublié, "Heathen" dévoile un groupe plus puissant et surtout plus créatif que jamais. Ayant depuis longtemps déposé l'arsenal diabolique de ses débuts au fond d'un fjord, le trio développe désormais une geste plus viking que evil qui sert de combustible à un death metal épique et rampant loin du black metal en vigueur sur l'antédiluvien "Beyond The Wandering Moon" (1997).
Ce qui ne lui interdit pas quelques blasts bien féroces et de tranchantes accélérations, témoin 'The Significance Of Iblis' dont l'âtre brûle d'une intensité fielleuse. A son tour, 'How Opaque The Disguise Of The Adversary' multiplie les saillies brutales avant de décoller toutefois vers le Valhalla lors d'une seconde moitié majestueuse. De fait, cet opus privilégie les atmosphères à l'agressivité brute au sein d'un ensemble extrêmement travaillé que dévorent des mélodies sombres et affûtées.
Produit par l'ex-Enslaved Herbrand Larsen qui l'a enrobé d'un son minéral, cet album, qui marque par ailleurs les vingt-cinq ans de carrière de ses géniteurs, possède des allures de bloc dont la surface est striée de mille nuances. Entame aussi envoûtante que pesante, 'Hedning' illustre cette richesse, pièce fleuve qui traverse une géographie variée, parfois verdoyante, souvent lourde et toujours rocailleuse. Prisonnier d'une gangue ferrugineuse ('The Sword Of Retribution'), escaladant des montagnes éternelles ('Boudica') ou s'enfonçant dans les ténèbres ('Illa Mayyit'), "Heathen" brille d'un éclat crépusculaire à travers sept compositions taillées dans une roche froide qui enrobe des trésors d'écriture et d'ambiances.