"The Stench Of Death" est une hostie qui devrait susciter de multiples commentaires au sein d’un Landerneau noir toujours prêt à cracher son venin sur ses prêtres dès lors qu’il rompt avec le credo, cloués au pilori par des ayatollahs toujours prompts à juger sans chercher à voir plus loin que le bout de leur étroitesse d’esprit.
Mais que reproche-t-on à ce quatrième méfait de Mortis Mutilati ? De macérer dans un sirop trop mélodique, de recourir à des artifices tels que des mélopées féminines, des bribes de chant clair masculin, des claviers brumeux plus tristes que funèbres, des arpèges doux, autant d’outils supposés trahir le black d’obédience dépressive que Macabre, l’unique maître des lieux, bine dans son jardin secret. Bref, en substance, on ne lui pardonne pas d’évoluer.
Pourtant, ce polissage fait-il nécessairement de "The Stench Of Death" un mauvais disque ? Que nenni. Au contraire, l’offrande séduit par la richesse de ses arrangements et de ses atmosphères. Mais il ne faut pas hésiter à multiplier les va-et-vient dans la froideur de sa fantomatique intimité pour en goûter le suc, amer et désespéré. Ses traits (faussement) mièvres pourront certes décontenancer sinon décevoir – dans un premier temps seulement - celui qui suit les travaux de Macabre depuis au moins "Sombre Neurasthénie". Mais sa remarquable finesse d’exécution et d’écriture, à laquelle rend hommage le travail de Devo (Marduk) qui en a supervisé la réalisation, impose le respect. Le Suédois prête d’ailleurs sa guitare le temps d’un ‘Homicidal Conscience’ brutal et torrentueux qu’irriguent des riffs grésillants.
Les préliminaires passés, on mesure bien vite que cet opus est loin, très loin même, d’être une œuvre joyeuse. Lumière et espoir ont été éconduits d’un menu qui se parcourt comme un recueil de vieux portraits photographiques d’hommes, de femmes et d’enfants décédés. De fait, il faut être sourd ou d’une indécrottable mauvaise foi pour ne pas reconnaître à ces compositions, outre leur qualité d’orfèvre, une expression morbide et franchement malsaine. Loin d’en siphonner la noirceur mortuaire, le halo vocal d’Asphodel, épouse et muse de Macabre, les enveloppe d’un suaire spectral presque poétique qui participe de cette ambiance granuleuse (‘Crevant-Laveine’).
Suintant une beauté obsédante, chaque titre a des allures de tableau de maître où tous les détails ont leur importance. Encadré par deux courtes pièces instrumentales sinistres qui résonnent comme un écho échappé des limbes, l’ensemble s’impose dans toutes ses nuances de touches, tour à tour envoûtant (l’immense ‘Echoes From The Coffin’), englué dans un spleen funéraire (‘Regards d’Outre-tombe’), exsudant un mal-être pourrissant (‘Onguent-Mortuaire’). Répandant sa mélancolie sépulcrale sur plus de dix minutes, ‘Portrait Oval’ témoigne de la maîtrise à laquelle est parvenue Mortis Mutitali en tant que peintre d’un monde lugubre hanté par les morts. Vénéneux, "The Stench Of Death" parvient ainsi à capter les ambiances de ces portraits mortuaires.