Cet album de Jordsjø, reprend les premières œuvres de ce groupe norvégien encore méconnu, à savoir "Jordsjø" (2015), "Jordsjø II" (2016) et plusieurs morceaux de "Songs From The Northern Wasteland" (2016). Le tout forme deux CD regroupant 17 titres sous le sobre nom de... "Jordsjø". Notons que les Scandinaves ont également sorti "Nattfolien" et "Jord" cette même année 2018. Le maître d'œuvre est Hakon Oftung qui assure la composition, le chant, la guitare, les claviers et la flûte. Il est secondé par Kristian Froland à la batterie. Quelques instruments sont ici ou là assurés par des invités.
Très fortement inspiré par les années 70, dans le son, les arrangements et les mélodies, Jordsjø ne s'enferme pas pour autant. Ainsi, les premiers titres issus de leur premier mini album sont clairement ancrés dans le prog de ces années-là, lorgnant vers Jethro Tull (forcément, avec la flûte...) ou Genesis notamment à grand renfort de Mellotron, avec cette originalité linguistique puisqu'on trouve surtout du norvégien (et aussi un peu d'anglais), qui ne dépareille pas et ne gêne pas l'écoute. La musique se veut volontiers psychédélique, à la fois envoûtante et mélodique. Une certaine lourdeur se fait également sentir sur 'The Goddess (Of Light)', donnant corps à l'influence affichée des vieux films d'horreur. Mais loin d'être toujours inquiétant, Oftung sait aussi montrer une sublime délicatesse, avec pour preuve l'instrumental 'Bilder Fra En Skog', qui, comme son nom l'indique, nous emmène dans l'univers sylvestre et féerique de certains paysages norvégiens qu'on ne quitte pas avec 'Hekseskogen' et son aura très mystérieuse voire mystique.
En effet Jordsjø excelle dans ces ambiances rupestres qui alternent entre une froide douceur et une sourde inquiétude. Petit à petit, dans la progression de l'album qui correspond à diverses époques (certes rapprochées), on s'éloigne de l'aspect prog traditionnel, même si le son demeure, pour aller vers un rock plus folk, toujours empreint de psychédélisme et de superbes mélodies. 'Mine Templer I' est assez remarquable de ce point de vue, montrant un certain lyrisme et une patte particulière faite de rugosité et de chorus très accrocheurs, notamment à la guitare qui prend de plus en plus de place là où le clavier était largement dominateur dans les premiers titres. Parmi les autres influences, on trouve 'Den Klaustrofobiske Masken' qui rappelle curieusement Yes. 'Under Aurora B' est une progression un peu barrée qui pourrait presque mettre mal à l'aise mais qui inclut un solo de guitare acoustique très seyant.
Malgré finalement une assez grande variété, Jordsjø est un groupe à l'identité très marquée, très datée aussi mais qui nous fait voyager avec une sensibilité toute scandinave et un savoir-faire indiscutable.