Genre particulièrement encombré, le post-rock peine aujourd'hui à surprendre. Les albums se suivent et se ressemblent (trop souvent), l'électro-encéphalogramme désespérément plat. Si l'orgasme des débuts est loin, heureusement, quelques belles surprises surgissent de temps à autre. "Recollection Of What Never Was" est-il l'une d'entre elles ?
The Clouds Will Clear, son auteur, est un groupe allemand réuni depuis 2013. Quatre ans après avoir embrayé avec un EP éponyme plutôt remarqué, il livre enfin son premier opus. Sans chercher à rénover un style extrêmement codifié dont il égrène tous les invariants dont ces guitares pointillistes au service d'une dramaturgie orageuse, le quatuor inocule à un matériau lessivé des touches electro/ambient qui lui confèrent une dimension presque cinématique ('Before The Tempest'). L'atmosphère est souvent intimiste, délavée ('Attack Warning'), évoquant la solitude de plages grises figées par le froid. L'ensemble se veut séduisant, édifié par des musiciens d'une habileté effrontée. Mention spéciale d'ailleurs à la section rythmique, toute en groove moelleux ('Deep Sea Mining').
Si on ne regrette à aucun moment l'absence de chant, le format instrumental réclame cependant des compositions fortes et dynamiques. Or, "Recollection Of What Never Was" manque de niaque et de cette fougue qui lui aurait permis de s'élever au-dessus du niveau de la mer. A son écoute, l'impression s'impose que le groupe veut contenir une tension qui rarement explose. D'où parfois l'ennui qui n'est pas loin de guetter l'auditeur qui rêverait d'une puissance moins muselée. C'est d'ailleurs dans les moments les plus durs que l'album retient l'attention, à l'image de 'Recollection', lente élévation où un piano épuré vient souligner l'érection de guitares chargées de désespoir. Il s'agit du plus beau titre d'un menu ramassé dont 'In Cycles' ouvre les lèvres avec une douceur percutante.
Facile à déflorer, "Recollections Of What Never Was" est un galop d'essai confortable parfaitement maîtrisé, dévidant un post rock instrumental plus intime que tempétueux, ce qui lui ôte une part de sa force mais le couvre d'une beauté fébrile teintée d'amertume.