Peu à peu, ColdCell est en train de gravir les marches d'une exposition amplement méritée, au gré de multiples changements de labels, le voyant passer de l'obscur Gravity Entertainment (le temps de l'originel "Generation Abomination") au révéré Avantgarde qui vient de le signer et où son black metal glacial et désincarné trouvera l'idéal refuge pour proliférer. Sans doute l'écurie italienne n'a pas été insensible à ce "Those", édité par Czar Of Cricket, troisième méfait qui impressionne par sa maîtrise des ambiances mortifères et du canevas tourmenté.
S'ils n'inventent rien dans ni dans la forme, minérale et sinueuse, ni dans le fond, sombre et torturé, les Suisses ont parfaitement assimilé et digéré les leçons de leur compatriote Triptykon avec lequel il partage cette même expression grouillante et maladive d'un art noir aussi labyrinthique que schizophrénique. Il ne manque aux Bâlois que le génie visionnaire de l'ex Celtic Frost pour se défaire de ce statut de disciple habile qui leur colle à la peau. Il s'agit là, très honnêtement, du seul (relatif) défaut de ce groupe qui dévoile avec cette offrande un style parvenu néanmoins à maturation, lente dérive dans des geôles souterraines et humides.
Pulsatif et abyssal, "Those" est tout du long rongé par une gangrène corrosive. Avalé par une nuit épaisse aux allures de marée noire, son menu répand sa négativité poisseuse en s'abîmant dans les méandres d'un post doom lancinant, influence qui lui dicte un tempo plus empesé que fielleux et un sens des atmosphères pointillistes qu'égrènent des guitares à la fois squelettiques et tentaculaires ('Entity II').
Bien qu'il ne se prive pas de quelques accélérations plus typiquement black, témoin le percutant et enveloppant 'Heritage' que transpercent de désespérés accès de fureur, ColdCell prend son temps pour bâtir ce cénotaphe aux dimensions cyclopéennes, laissant respirer des plaintes engourdies pour mieux les laisser exploser en un torrent définitif, tel ce 'Drought In The Heart' convulsif et contemplatif, tumultueux et cendreux tout ensemble. Ce substrat instrumental aussi vertigineux que reptilien est creusé par un chant aux nombreuses nuances, tour à tour sentencieux ou écorché, rituel ou survolté, évoquant alors la folie contaminatrice de Bethlehem ou Deinonychus. Il est le venin de ce mal lourd et rampant qui infuse dans les profondeurs intimes de cet opus qui a quelque chose d'un gouffre qu'aucune lumière ne parvient à pénétrer.
Stagnant dans les eaux troubles d'un post doom vénéneux, "Those" libère les émanations mortifères d'un black metal souterrain.