Tel un métronome bien réglé, Syndone nous revient tous les deux ans avec un nouvel album sous le bras depuis sa résurrection en 2010 et la sortie de "Melapesante". En 2016, son nouveau disque s'appelle "Eros & Thanatos" qui, ne dérogeant pas aux habitudes du groupe, développe un nouveau concept autour des thèmes éternels et inépuisables de l'amour et de la mort.
Du line-up originel (du moins depuis "Melapesante") il n'en reste plus que les deux éléments emblématiques : Nik Comoglio, compositeur et maître es claviers et Riccardo Ruggeri, parolier et chanteur charismatique. Les deux hommes ont l'habitude de s'entourer de nombreux intervenants, parfois prestigieux, comme c'est le cas ici avec la présence de Steve Hackett et Ray Thomas (ex-Moody Blues), chacun pour un titre. Syndone retrouve par ailleurs l'ossature d'un groupe étoffé puisque quatre nouveaux musiciens sont venus rejoindre le duo. Si la formation ne comprend désormais pas moins de trois claviéristes, elle n'a toujours pas de guitariste attitré.
Un atypisme qu'on retrouve dans la musique du groupe depuis toujours. Les albums de Syndone sont autant de magnifiques pages écrites à la gloire du rock progressif et "Eros & Thanatos" ne viendra pas inverser la tendance. Comme d'habitude, les partitions sont riches de surprises. Ecouter un album de Syndone revient à naviguer sur les eaux tumultueuses d'un fleuve capricieux. Tantôt le courant vous emporte à vive allure, menaçant de vous noyer dans ses remous, tantôt vous flottez en toute quiétude sur des nappes apaisées, passant sans que rien ne vous prévienne de la tourmente au calme pour être de nouveau happé par le maelström.
Les styles musicaux se bousculent : fusion ('Area 51'), impressionnisme classique ('Gli Spiriti Dei Campi') ou jazz rock (même titre), musique lyrique ('Terra Che Brucia', 'Cielo Di Fuoco'), symphonique ('Duro Come La Morte', 'L'Urlo Nelle Ossa'), tribale ('Fahra'), folklorique ('Alla Sinistra Del Mio Petto'), aucun morceau n'échappant vraiment au mélange des genres et contenant souvent plusieurs thèmes, quand il ne s'agit pas tout simplement d'une musique en constante évolution sans véritable thème. Ajoutons à cela des chants a cappella, des grandes orgues, quelques discordances, deux ou trois hurlements de rage et des voix vocodorisées façon ELO, sans oublier un violoncelle mélancolique en bonus caché, et vous comprendrez ce que nous entendions par "les partitions sont riches".
Mais, si jusqu'à présent Syndone avait fait preuve d'une remarquable maestria pour accompagner sa créativité débordante d'une maîtrise lui permettant de rendre homogène un propos constitué d'éléments si hétérogènes, force est d'admettre que "Eros & Thanatos" souffre de légères lacunes dans ce domaine, l'impétuosité de quelques titres ne parvenant pas à cacher tout à fait un certain manque de ligne directrice ('Area 51', 'Qinah') et les transitions étant souvent plus abruptes qu'à l'accoutumée.
Mais il s'agit d'une critique bien légère en regard des superbes thèmes disséminés dans l'album. Par ailleurs, l'interprétation est comme toujours irréprochable, des nombreuses sonorités de claviers (piano, Hammond, moog, mellotron, grandes orgues et claviers moins vintage) au chant toujours aussi lyrique et théâtral (mais qui n'oublie pas d'être poignant) de Riccardo Ruggeri, sans omettre une formidable basse, la présence toujours aussi originale du vibraphone et les interventions remarquées des nombreux invités.
Parfois plus déroutant que par le passé, Syndone n'en demeure pas moins l'un des fleurons les plus inspirés du rock progressif moderne. Si vous ne connaissez pas encore ce groupe, consacrez-lui vite un moment.