Uncle Acid And The Deadbeats serait-il condamné à n'être le groupe que d'un seul album (ou presque) ? Nous sommes nombreux à nous être posé cette question car ni "Mind Control" (2013), assez jouissif au demeurant, et surtout "The Night Creeper" (2015) n'ont su égaler "Blood Lust" qui, il y a six ans, nous a permis de découvrir ce combo britannique dont on a cru qu'il était unique dans son genre, artisan d'un heavy doom égaré dans un film d'horreur de la fin des sixties, à la fois coloré et antédiluvien, nerveux et nonchalant.
Las, sa quatrième offrande dévoilait des musiciens vidés de leur jus mais courant néanmoins après un succès à plus grande échelle. Nous en étions donc là, avec Uncle Acid et sa bande de Stooges, au moment de lancer la lecture de ce "Wasteland" dont on craignait qu'il soit l'ultime clou d'un cercueil qui ne tarderait plus à se fermer. Or, contre toute attente, c'est une formation revigorée que l'on trouve aux commandes, hissant très haut les couleurs d'un rock vintage libertaire, à l'aide d'un manche gonflé d'une semence acidulée.
Entame orgasmique, 'I See Through You' suffit à balayer ces décevantes dernières années à grands coups d'orgues dégoulinants, de vocalises haut perchées et androgynes et de lignes de six-cordes belles à pleurer. Les Rosbifs renouent avec l'inspiration survitaminée de leur débuts et avec une forme de simplicité généreuse qui ne leur interdit pas une écriture extrêmement travaillée. Ainsi, coincées entre les remuants 'Shockwave City', 'Blood Runner' et 'Stranger Tonight', envolées aussi mordantes que flamboyantes sinon baroques, on trouve des pièces d'orfèvres, rampantes et bourgeonnantes qui franchissent allègrement la barre des six minutes au compteur.
Citons ce 'No Return', le titre le plus long du lot, mid-tempo prisonnier d'une gangue de terre et noyé sous des couches de claviers brumeux qui distillent une liturgie horrifique. Le morceau éponyme aux allures de tendre ballade qui peu à peu s'élève en feu d'artifice zeppelinien et boisé puis 'Exodus', reptation lascive que conduit une guitare déglinguée se faufilant avec avidité entre des lèvres ténébreuses, remplissent le menu d'une sève lente et fertile. Quant à 'Bedouin', il nous replonge dans l'ambiance des films d'horreur anglais de la fin des années 60, lorsque l'épouvante s'accouplait au psychédélisme ambiant.
Avec "Wasteland", Uncle Acid And The Deadbeats réussit un retour inespéré, livrant ni plus moins son meilleur album depuis "Blood Lust" !