Profitant d'une tournée commune avec Karmakamic - le groupe de son bassiste attitré - et du fait de se retrouver en communauté, Andy Tillison a une nouvelle fois remis en branle la machine The Tangent, créant à l'occasion la majeure partie des titres qui composent le 11ème album du groupe, intitulé "Proxy".
Dans le langage informatique, un proxy est une passerelle permettant de connecter des réseaux ou des matériels entre eux, tout en filtrant et en surveillant les accès de l'un à l'autre. Dans le langage de plus en plus politique d'Andy Tillison, il s'agit, pour le titre éponyme qui ouvre l'album, d'une nouvelle charge en règle "about a certain world leader of today". Je pense que tout le monde aura reconnu de qui il s'agit.
Cette première pièce épique voit le groupe mettre en place les traditionnels ingrédients du groupe, maniant régulièrement la dissonance juste ce qu'il faut, multipliant les thèmes et les mélanges d'ambiance 70's avec des sonorités plus modernes, avec toutefois une orientation très nette vers le jazz prog, bien plus présent qu'à l'accoutumée. La longue introduction instrumentale portée par la basse chantante de Jonas Reingold plante en effet le décor dès les premiers instants, avec de surcroît quelques inclinaisons magmaïennes. La tendance va se poursuivre avec 'The Melting Andalusian Skies' qui, comme son nom l'indique, ajoute au côté jazzy des effluves marquées de guitare andalouse et de rythmiques singeant les castagnettes.
C'est ensuite que The Tangent va prendre des orientations complètement originales dans sa discographie, avec tout d'abord 'A Case of Misplaced Optimism' qu'Andy Tillison décrit comme "le chaînon manquant entre Porcupine Tree et Jamiroquai", soit le mariage de la carpe et du lapin. Autant l'on reconnaît effectivement l'influence de ce dernier dans les rythmiques funky et l'utilisation intensive des cuivres où Theo Travis s'en donne à cœur joie, voire celle de Rick Davies (Supertramp) dans quelques parties de piano, autant l'évocation du groupe de Steven Wilson semble totalement incongrue.
Et puis, comment passer sous silence 'The Adulthood Lie', ce deuxième titre épique de l'album qui voit le groupe complètement casser les codes de ce qu'il nomme "le manuel du parfait titre progressif" (traduction approximative …), pour nous emmener dans une sérénade débridée où Andy Tillison se prend pour Jon Lord nous rejouant "Highway Star", avant qu'une sarabande effrénée ne nous emporte, virant au bruit et finissant par se révéler insupportable, passant ensuite par quelques touches d'electro soutenant des riffs acérés de Luke Machin à la guitare, revenant à du progressif plus classique, et le tout sans perdre le fil conducteur délivré en introduction. Déroutant.
Au final, seul le dernier titre, 'Supper's Off' fera vraiment référence au Tangent d'avant, avec de solides mélodies portant différents thèmes, soutenus par des accompagnements plus conventionnels et une rythmique carrée, plus mainstream comme diraient nos collègues d'outre-Manche.
Si les précédents albums de The Tangent nécessitaient plusieurs écoutes pour en intégrer toutes les nuances, cette nouvelle livrée demandera sans aucun doute plus d'efforts encore pour en maîtriser tous les ingrédients. Album disruptif par excellence (un adjectif dans l'air du temps), "Proxy" va très probablement diviser les aficionados du groupe. Pour ma part, le choc est encore trop frais pour prendre parti, seul le temps fera pencher la balance d'un côté ou de l'autre.