Dix ans dans l'industrie musicale actuelle est devenu un éternité. Désormais pour vivre, voire survivre, les groupes d'aujourd'hui doivent être présents régulièrement dans les bacs, sur les réseaux sociaux donc donner "matière à" et être productifs, quitte parfois à faire passer la quantité avant la qualité. C'est pourtant cette période qui sépare "Slipway Fires" de "Olympus Sleeping" le nouvel album de Razorlight, auteur du soft rock nommé 'America' ou du plus indé 'Can't Stop The Feeling That I've Got' entre 2006 et 2008. Le groupe étiqueté rock indé a mis sa carrière en pause le temps pour Johnny Borrell de prendre du recul suite à une ascension qui fut fulgurante et en même temps peut-être trop lourde à porter.
Hormis quelques prestations, il n'y eut plus rien jusqu'à ce début d'année avec l'annonce d'un nouvel album par la tête pensante de Razorlight qui a reconstruit une équipe autour de lui en intégrant notamment Martin Chambers (The Pretenders) à la batterie. La rythmique va ainsi prendre une dimension assez énorme sur cet album. La basse est incroyablement mise en avant dans des deux premiers titres ('Got To Let The Good Times Back Into Your Life', 'Razorchild') qui vont donner le ton à un album qui, jusqu'à son terme, se révèle incroyablement positif et rayonnant, tout le contraire de la pochette.
Là où le rock indé se veut de temps en temps plus sombre, noir et parfois plombant, Razorlight prend le pari inverse de donner le sourire à l'auditeur avec des morceaux sautillants, plutôt enjoués. Le talent de Johnny est de ne pas verser dans la pop sucrée et guimauve en conservant une ascendance rock dans ce qu'il a de plus sincère. Laissant les effets electro de côté, le groupe recomposé affirme son amour pour tout ce qui a été construit depuis des années par ses aînés et dont il se fait le porte-voix dans ce nouvel album. Ainsi 'Good Night' n'est pas une berceuse mais plutôt un morceau endiablé au possible à l'atmosphère punk qui au final ne vous fera pas trouver le sommeil. Tous les morceaux possèdent cette ossature rock autour de laquelle la bande à Johnny viendra greffer une pop joyeuse ('Carry Yourself') au fort potentiel tubesque dans le bon sens du terme avec quelques touches de ska ('Brighton Pier'), ou encore une nervosité plus brute portée par des riffs tranchants ('Japanrock').
L'apport de Martin Chambers est important dans le fait de proposer des titres plus ramassés et donc plus immédiats ('Sorry ?'), sa frappe est par ailleurs suffisamment variée pour susciter l'intérêt. Johnny Borrell montre également ses talents de storyteller et de songwriter dans 'Iceman' dont les couplets rappellent Bruce Springsteen avec un refrain à la Paul Simon.
Voici donc un retour plutôt réussi pour Razorlight, une lettre d'amour au rock et à la pop, qui permet à son leader écorché vif d'exprimer ses émotions après avoir pris du recul sur les années de succès qui l'ont submergé. Un retour dans la lumière qui apportera à l'auditeur sourire, lui fera taper du pied avec un "Olympus Sleeping" respectueux des aînés tout en étant ancré dans son époque.