Les préliminaires auront été de courte durée, moins de soixante secondes, temps qu'il aura fallu à Blood Of Serpents pour installer une ambiance malsaine avant de lancer son panzer à pleine vitesse avec un 'Mater Tenebris' qui ouvre la plaie béante d'un deuxième méfait qui ne fait pas de prisonnier. La guerre dès lors promise par cette fulgurante entrée en matière aura bien lieu, martelée près de cinquante minutes durant par des musiciens dont la hampe tendue à l'extrême crache un flot de haine comme une mitraillette qui jamais ne s'enraye.
Affirmer que les Suédois n'ont pas l'air content tient du doux euphémisme. Peut-être sont-ils furieux d'avoir laissé filer quatre années depuis un "Black Dawn" qui leur mit le pied à l'étrier d'un black death (forcément) dévastateur ? Fort d'un nouveau maître de cérémonie (le chanteur Thomas Clifford) et d'un nouveau label (Non Serviam), on devine un groupe en pleine de possession de ses moyens, bien décidé à boucher ce long tunnel et conquérir le trône auquel il prétend peut-être aux côtés des vétérans Dark Funeral et Marduk.
Il y a d'ailleurs beaucoup de la horde à Morgan Steinmeyer dans ce "Sulphur Sovereign" aussi belliqueux que venimeux. Non seulement parce qu'il a été produit par l'un de ses anciens batteurs, Lars Brodesson puis mixé et masterisé par Magnus « Devo » Andersson mais surtout parce qu'il dresse un même autel impie sur lequel des vierges écartelées sont offertes au seigneur des Ténèbres. De fait, l'offrande épouse la ligne tranchante d'un art noir fielleux typiquement scandinave dans sa bouillonnante vélocité. N'attendez de la part de Blood Of Serpents ni coup de mou ni décélération rampante, auxquels il préfère les coïts supersoniques. Ce qui est à la fois son principal défaut et fait sa force.
Défaut car cette rondelle de soufre manque quelque peu de nuances, ne variant pas suffisamment les positions et les plaisirs. Force car ce blitzkrieg ininterrompu se pare d'une intensité implacable à laquelle se prête l'habileté métronomique de musiciens extrêmement affûtés. Puisant dans les ténèbres leur infernal combustible, les 'In Darkness, Brotherhood', 'Devil's Tongue' et 'Evictor Of Christ, érigent en début de parcours un blockhaus massif dont les orifices obscurs vomissent un stupre diabolique. Il faut attendre le long - plus de sept minutes au jus - 'As The Temple Burns' pour voir le groupe serrer le frein à main et appuyer plus encore sur l'interrupteur, nous plongeant alors dans un abîme vicieux et reptilien. Seul 'Upon Water Dark', que cisaillent quelques stigmates plus mélodiques, vient par la suite briser en bout de course ce torrent furieux, coincé entre des blasphèmes foudroyants.
Si les amateurs de ce black death à la suédoise trouveront dans ce méfait éprouvé matière à épancher leur soif d'une brutalité millimétrée, force est pourtant de reconnaître qu'il manque toujours à Blood Of Serpents ce supplément d'âme qui le distinguerait des cohortes démoniaques de série B dont il fera sans doute toujours partie...