QuickSilver Night est le projet solo de Warren Russel, entouré dans chacune de ses productions (3 EP et un LP à ce jour) d’une pléiade d’invités, guitaristes ou chanteurs. Pour ce "Symmetry", il ne déroge pas à sa règle : il a composé tous les morceaux et assure toutes les parties instrumentales, déléguant les solos de guitare à ses guests.
Une réunion de musiciens fait-elle un groupe ? Un compositeur en charge de toutes les instrumentations, des claviers à la section rythmique, peut-il livrer un opus attractif et suffisamment diversifié ? Les exemples ne manquent pas (Sunrise Auranaut pour n’en citer qu’un), qui se sont brûlés les ailes faute d’une diversité ou d'une compétence suffisantes…
Une fois n’étant pas coutume, examinons l’objet pupitre par pupitre. Côté guitares, c’est plutôt pas mal : c’est l’instrument vedette du projet et les shredders s’en donnent à cœur joie, comme souvent sur un fond mélodique assez pauvre, mais dans des démonstrations techniques impressionnantes. 'Quicksilver Night' est l’exemple-type de la démonstration masturbatoire en triples croches techniquement maîtrisée mais qui ne fait vibrer aucune corde sensible chez l’auditeur. C’est d’autant plus dommage que le parti-pris systématiquement agressif des guitares tue un morceau comme 'The Ship oh Theseus’ qui aurait mérité un traitement autrement plus délicat…
Les claviers sont réduits à une marginale participation, sauf sur 'Child of Spring' qui sort de la routine ambiante. La basse est le plus souvent aux abonnés absents, témoin le début d' 'Atlas' où la batterie assure seule la rythmique. Il faut attendre le cinquième titre ('Buffalo Head') pour l’entendre se manifester de façon musicale.
Il y aurait beaucoup à dire sur le jeu de batterie : il est urgent que Warren Russel se décide à engager un vrai batteur, ses partitions rejoignent la subtilité des boîtes à rythmes. En plus la production place en avant cet instrument, si bien que l’auditeur entend tous les manques (il y avait un joli travail possible sur 'Child of Spring') ou ses imperfections (le travail de toms approximatif sur 'Invocation').
Quant au chant… que dire ? On croirait assister à un concours de laideur. A ce petit jeu, Jon Boylan remporte la palme sur un 'Atlas' où la résultante du travail des musiciens réussit à livrer un morceau épouvantable de mocheté.
Passons sur le concept : " "Symmetry" explore des concepts lyriques sur les choix que nous faisons grâce à notre libre arbitre et sur les conséquences de ces choix. Ce n'est cependant pas un scénario linéaire, ni même lié à un personnage spécifique ; c'est plus une série de vignettes métaphoriques." Quand on en est à ce point de vaguitude, mieux vaut ne pas parler de concept, on sombre dans le pathétique.
Que sauver de cette débâcle ? L’ultime ’Symmetry’ contient en germe des promesses intéressantes : le rythme orientalisant, inattendu au milieu de toutes ces saillies métalliques, posant un réel fond mélodique, est une oasis de fraîcheur inattendue, avec des interventions shred pour une fois signifiantes, s’insérant dans le propos de manière plus fluide et cohérente. Malheureusement la batterie continue à rester sur un pattern toujours basique et limité, et c’est très dommage compte tenu de la (relative) richesse des thèmes. Dommage que la fin s'évapore en fade out...
Cet album illustre le danger qui guette les navigateurs solitaires : un manque de recul amène rapidement au naufrage. Le capitaine devrait s’entourer d’un équipage compétent pour mieux conduire son navire…