Peu d'informations filtrent d'Internet, habituellement si loquace, sur Matthew Browning. A peine apprend-on qu'il est américain, originaire de Memphis, qu'il a étudié la musique dès son plus jeune âge et que ses influences reconnues sont Peter Gabriel, Queen, Radiohead et Arvo Pärt. Pour photo, on se contentera de celle d'un jeune homme barbu, le bonnet de laine vissé sur le crâne. Pourtant, derrière ce quasi-mystère, se cache un artiste de grand talent comme le prouve son premier album à la jolie pochette irisée, "Love & Grief".
Le disque au style bigarré parfois difficile à définir contient autant de compositions finement ciselées qui envoûtent l'auditeur dès leurs premières notes et qui renouvellent le miracle à chaque écoute. Les mélodies souvent mid-tempo dégagent une mélancolie romantique sans mièvrerie, de celle qui invite à la rêverie. Les nappes de cordes qui viennent sans cesse se mêler aux traditionnels instruments "rock" y sont assurément pour quelque chose mais, loin de transformer les chansons en choses trop sirupeuses, elles créent une belle opposition entre douceur et révolte.
Matthew Browning a un don pour happer l'auditeur dès les premiers instants par un thème pop-rock addictif, de ceux qui vous prennent immédiatement à la gorge et entrent en tête, donnant envie d'être fredonné sans cesse. Mais loin de se contenter de dérouler une petite chanson paisible, il introduit sans cesse de nouveaux éléments qui enrichissent et rendent passionnante l'écoute de cet album, passant d'un accompagnement orchestral de cordes à un son rock plus brut pour finir sur un piano intimiste, faisant surgir une voix féminine (Gina Milne dont chaque intervention est un diamant brut) en contrepoint du chant masculin, celui-ci s'affichant aussi à l'aise dans les aigus que dans des graves caverneux, opposant fréquemment la douceur des couplets à l'interprétation plus catchy des refrains.
Tout est beau sur cet album. Les montées en intensité sont légion et mettent inéluctablement des frissons. 'Underneath The Willow', superbe titre qui ouvre le disque, donne le ton. Comment ne pas succomber au charme de 'Daylight' au final emphatique et choral, au duo de 'Fallen Angel', poignant et envoûtant, à la mélancolie de 'Lake of Dreams' qui s'offre un détour du côté d'un metal mélodique à la Nightwish, de 'I Walked Over The Edge' d'une intelligence et d'une finesse remarquables, de 'Artificial Sunset' mêlant le caractère symphonique de Muse à un côté folklorique au faux-air de Mike Oldfield, ou de 'Distant Bodies' dont les "Amen" rappellent l'Alleluia de Jeff Buckley ?
Situé aux confluents de la pop, du rock, de l'art rock, du folk, du prog, "Love & Grief" est un premier album dont l'intensité et le charme ne se démentent jamais. Pour un coup d'essai, Matthew Browning réussit sans aucun doute un coup de maître et livre l'un des meilleurs albums de l'année 2018.