Tout le monde s'est plu à le dire sur tous les tons, des webzines aux revues sur papier en passant par les radios FM : trente-cinq ans après sa disparition, les Américains de Greta Van Fleet ont ressuscité Led Zeppelin. L'ombre du Dirigeable fait plus que planer sur les deux EP sortis l'année dernière et, si certains ont trouvé facile de plaire en plagiant l'un des plus grands groupes de tous les temps, toutes catégories musicales confondues, ils n'ont été qu'une infime minorité dont les critiques ont vite été noyées sous le déluge de compliments mérités saluant le talent des nouveaux venus.
Suivant l'adage qui préconise de battre le fer tant qu'il est chaud, Greta Van Fleet sort donc son second album, "Anthem of the Peaceful Army", moins d'un an après l'acclamé "From the Fires". Le line up est inchangé, toujours constitué des trois frères Kiszka épaulés de Danny Wagner à la batterie. Le disque s'ouvre de façon surprenante sur un titre tout "en douceur", 'Age of Man', qui ne doit rien à l'héritage de Led Zeppelin, le chant évoquant même plus celui de Jon Anderson que de Robert Plant. Doté d'une belle mélodie et d'un chant écorché, 'Age of Man' constitue une entame étonnante, déstabilisante même à la première écoute mais qui dévoile tout son potentiel sur les suivantes.
Cela ne signifie pas pour autant que Greta Van Fleet ait décidé de se débarrasser définitivement de ses oripeaux zeppeliniens jugés trop voyants. De nombreux titres retrouvent la magie du dinosaure anglais, par la similitude du chant, bien sûr, le timbre de Josh Kiszka mais aussi son phrasé et ces onomatopées ajoutées un peu partout évoquant de façon hallucinante le grand Robert Plant. Mais au-delà du chant, le groupe fait revivre Led Zeppelin au travers de ses mélodies mélangeant hard rock et blues et grâce à ses guitares électriques et acoustiques virtuoses et sensibles accompagnées d'une paire rythmique énergique.
Les très accrocheurs 'The Cold Wind' et 'When the Curtain Falls', le musclé 'Lover Leaver (Taker Believer)' dont le titre à lui seul fait penser à Led Zep, la ballade acoustique et bluesy 'You're the One' délicatement épicée d'un orgue discret et le rock boogie de 'Mountain of the Sun' dont les glissandos de guitare et le chant percutant font revivre le duo Page-Plant, tous pourraient facilement s'insérer dans n'importe quel album de Led Zeppelin sans déparer tant Greta Van Fleet le fait avec une remarquable intelligence et une maestria évidente.
Mais les Américains se démarquent sensiblement de leur prestigieux modèle sur une bonne moitié d'album. Outre 'Age of Man' déjà cité, c'est le cas de 'Watching Over', 'The New Day', 'Brave New World' et 'Anthem' dont les mélodies mais aussi l'interprétation n'ont que peu de points communs avec les Londoniens. Le chant notamment adopte un phrasé différent et laisse les onomatopées aux fantômes du passé. Si 'Watching Over' et 'The New Day' sont des mid-tempos sans rien d'exceptionnel, les trois autres titres retiennent l'attention par leurs mélodies accrocheuses et travaillées, offrant quelques surprises telles les chœurs célestes de 'Brave New World' ou gospel de 'Anthem'.
Que ses influences soient évidentes ou mieux digérées, "Anthem of the Peaceful Army" reste homogène, efficace et d'une écoute des plus agréables. Greta Van Fleet confirme tout le bien que nous pensions d'eux dans l'un des meilleurs albums de hard rock de l'année.