Pour mesurer le (quasi) naufrage d'un Necrophobic rouillé, quoiqu'au demeurant toujours efficace, il suffit de comparer son récent "Mark Of The Necrogram" inodore à ce "Sounds From The Vortex" pourtant sorti de nulle part, premier méfait tourbillonnant d'une haine nocturne craché par une pousse allemande qui a tout compris de l'art noir gonflé au death metal.
Cet album n'est cependant pas une nouveauté car publié à l'origine par le modeste label Eternal Echoes en octobre 2017. Cette faible exposition n'a pas empêché les têtes chercheuses de Nuclear Blast de repérer The Spirit dont il a ainsi l'excellente idée de ré-éditer le prometteur galop d'essai. Alors certes, les Teutons n'inventent rien. De fait, ils n'échappent ni à la mode d'une identité camouflée par de simples initiales ni à un (nouvel) artwork pompé sur les travaux du désormais incontournable Costin Chioreanu mais toutefois réussi. De même, le tribut qu'ils doivent à toute la vague du black metal suédois des années 90 en général et à Dissection et Necrophobic (justement) en particulier ne peut que sauter aux oreilles.
Mais, dressant la lourde hampe d'une créativité connectée directement aux ténèbres, ils ne sont pas loin de parvenir à nous faire oublier qu'ils ne sont que les rejetons d'une longue tradition dont ils perpétuent l'allégeance aux esprits de la nuit. Dès l'intro éponyme, "Sounds From The Vortex" appuie sur l'interrupteur, emplissant la pièce d'une noirceur tentaculaire que fouillent des guitares menaçantes et un chant écorché comme vomi d'une gargouille millénaire.
Si le tempo reste tout du long, soutenu, implacable machine de guerre lancée à toute vitesse à travers les méandres de l'âme humaine, The Spirit s'autorise de reptiliennes perforations qui viennent efficacement briser le tumulte d'une brutalité crépusculaire alors que les six-cordes passent du scalpel au pinceau trempé dans une sombre beauté. L'immense (à tous points de vue) 'The Clouds Of Damnation' en témoigne, pièce épique longue de plus de sept minutes qui résume à elle seule la façon dont les Allemands bâtissent une architecture puissante et émotionnelle, ténébreuse et limpide tout ensemble. Martelant un sol ensanglanté, meurtri par de profondes crevasses, le terminal 'Fields Of The Unknown' illustre également de la plus vibrante des manières cette expression torrentueuse dans sa brutalité conjuguée au désespoir. La durée des titres offre à leurs auteurs l'espace nécessaire pour galoper dans les abîmes sinueux d'un multivers cosmique.
S'il ne saurait être confondu avec une hostie incontournable, il n'en demeure pas moins que "Sounds From The Vortex" permet à The Spirit de frapper d'entrée de jeu un grand coup, livrant un album de black death aussi inspiré que redoutable auquel il ne manque qu'un peu de personnalité et une ou deux pistes supplémentaires qui auraient étoffé un menu qui file trop vite.