"Hladikarna" fait partie de ces objets musicaux non-identifiés dont il n'y a pas grand-chose à comprendre. Ce qui ne signifie pas, bien entendu, qu'il mérite d'être passé sous silence. Mais une ouverture d'esprit certaine et des oreilles que n'effraie pas le mélange des genres se révèlent nécessaires pour en extraire toutes les multiples saveurs, au risque sinon de ne jamais parvenir à pénétrer avec toute la patience et la curiosité que cet opus réclame. De quoi s'agit-il au fait ?
Gravé entre mai 2016 et mars 2017, publié quelques mois plus tard, ce n'est pourtant qu'aujourd'hui que ce sixième effort de IWKC (pour I Will Kill Chita) vient - enfin ! - chatouiller nos sens. Organiquement instrumentale, la musique que forge le quatuor russe semble être fâchée avec les étiquettes. Post rock, doom, rock progressif copulent en une joyeuse partouze à laquelle est conviée, pour l'occasion, une myriade d'invités, essentiellement chanteurs, qui viennent déplacer le curseur vers un ailleurs inconnu. Ce vaste panel de voix(es), outre le fait qu'il ne vide pas ce matériau de sa substance instrumentale, participe donc d'une exploration sonore qui semble partir dans toutes les directions, opposées le plus souvent.
Quel rapport en effet entre un 'Youth' nimbé d'une pop douce amère et un ' Five Big Chillums' dont les huit minutes au jus escaladent des reliefs progressifs jusqu'à ces dernières mesures brutales aux confins du grind (ou presque) ? Pas grand-chose si ce n'est un même socle extrêmement lourd que des musiciens épris de liberté s'amusent à labourer pour y creuser des sillons tordus.
Après une entame écrasante aux traits quasi sludge ('Kastenkampf'), "Hladikarna" dérive ensuite au gré de ses rencontres entre trip cosmique et orientalisant ('Samadhi'), saillie fiévreuse où se mêlent guitares bien grasses et claviers dégoulinants ('Emerald River'), déambulation rêveuse à l'image du titre éponyme ou puissante élévation ('Land Of Stupas'), autant d'échappées gangrenées par la folie suintant de ces voix étranges qui les polluent comme des kystes. Egaré dans ce labyrinthe sans queue ni tête, l'auditeur finit pourtant par être envoûté par ce maelström déglingué duquel émane une espèce de beauté maladive.
"Hladikarna" est à prendre pour ce qu'il est, un voyage aussi bien sonore que sensitif dont les trésors lovés dans les creux de son intimité et sa liberté ne peuvent laisser totalement indifférent...